Premier foyer de peuplement
mondial, l’Asie du Sud et de l’Est concentre plus de la moitié de l’humanité
avec 4 milliards d’habitants. La partie extrême-orientale du continent
eurasiatique est entendue comme tous les pays au sud de la Russie jusqu’à
l’archipel indonésien au sud et de l’Afghanistan à l’ouest jusqu’au Japon à
l’est. Cette partie du monde concentre à la fois les plus grandes densités
mondiales, des pays en très forte croissance économique mais doit aussi faire
face aux défis du développement en dehors des PID que sont le Japon et les
dragons asiatiques.
La croissance économique asiatique a-t-elle permis de surmonter le défi démographique ? Dans quelle mesure la croissance démographique a pu constituer un atout pour la croissance économique ?
I.
Les défis du premier foyer de population au monde
A. Le plus grand foyer de peuplement du monde
60% de la
population mondiale, soit près de 4 milliards de personnes, vit en Asie du Sud
et de l’Est. Foyers de peuplement dominants, appuyés sur des civilisations très
anciennes, la Chine et l’Inde concentrent respectivement 1,4 et 1,3 milliards
d’habitants. Viennent ensuite l’Indonésie avec 250 millions d’habitants, et le
Pakistan et ses 180 millions d’habitants. L’Asie se caractérise par ses fortes densités de populations y compris en
milieu rural comme en Inde où dans la vallée du Gange la densité moyenne est de
700 hab/km². On note cependant une inégale répartition de la population avec
des pleins (les zones littorales ou les grandes vallées fluviales) et des vides
(zones de montagnes).
La croissance
démographique de la région est cependant en voie de net ralentissement : cela
s’explique par la transition démographique avancée. Celle-ci est plus avancée
en Asie de l’Est : pays industrialisés où elle est terminée (au Japon, la
population décroit même) ou contrôle des naissances en Chine dès les années
1970 ont très tôt freiné la fécondité. En Asie du sud, la croissance démographique
est moyenne, voire élevée au Pakistan, Cambodge, Philippines (plus de 1,5% par
an).
B. Les défis d’une population asiatique de plus en plus
urbanisée
L’Asie du Sud
et de l’Est est encore majoritairement rurale : moins de 50% de la
population habite en ville. Si certains pays
comme la Corée du Sud (83%) ou le Japon (67%) sont en réalité très urbanisés,
d’autres le sont peu (Inde : 30%).
Mais cette population urbaine,
qui représente quand même plus de 1,5 milliards de personnes, est en rapide
augmentation du fait du fort exode rural (cf. Mumbai : 1500 nouveaux
arrivants par jour en moyenne).
La population asiatique nombreuse s’urbanise donc de plus en plus, générant à travers la région des mégapoles immenses. 15 des 30 plus grandes mégapoles mondiales sont asiatiques, et la première d’entre elles est Tokyo, avec 37 millions d’habitants.L’urbanisation rapide peut rendre ces villes géantes difficilement gérables, et entraîne d’importants défis sociaux (schéma d’illustration avec problèmes urbains à Mumbai) 60% de la population de l’agglomération vit dans des bidonvilles (à l'instar de Dharavi à Mumbai et son million d'habitants). 90% des mobilités dépendent de transports publics saturés. Moins de 20% des habitations ont accès à l’eau courante.
La population asiatique nombreuse s’urbanise donc de plus en plus, générant à travers la région des mégapoles immenses. 15 des 30 plus grandes mégapoles mondiales sont asiatiques, et la première d’entre elles est Tokyo, avec 37 millions d’habitants.L’urbanisation rapide peut rendre ces villes géantes difficilement gérables, et entraîne d’importants défis sociaux (schéma d’illustration avec problèmes urbains à Mumbai) 60% de la population de l’agglomération vit dans des bidonvilles (à l'instar de Dharavi à Mumbai et son million d'habitants). 90% des mobilités dépendent de transports publics saturés. Moins de 20% des habitations ont accès à l’eau courante.
C. Le défi des déséquilibres démographiques
Outre son
urbanisation rapide, la population d’Asie du Sud et de l’Est connaît des
évolutions nouvelles du fait de tendances démographiques particulières.
(doc.7-8 p.316)
L’Asie
présente le seul cas avec l’Océanie d’un fort déséquilibre garçons/filles. La
préférence culturelle pour un enfant masculin entraîne un déficit du nombre de femmes :
108 hommes pour 100 femmes en Chine, 107 en Inde. Il manquerait environ 100
millions de femmes en Asie entre celles jamais nées (avortements sélectifs),
les filles mortes trop tôt du fait de négligences (sous-nutrition, abandon,...).
Au Japon, on
se retrouve face à un autre problème : celui du vieillissement de la
population et d’une absence de renouvellement démographique du fait de la
faible natalité (1.4 enfants par femme) et de l’allongement de l’espérance de
vie (83 ans). La population japonaise décroit et cette baisse n’est pas compensée
par un recours à l’immigration en raison d’une conception de la nation fondée
sur le droit du sang. Ce vieillissement pose des défis du point de vue de la
gestion d’une population inactive de plus en plus importante (financement des
retraites, des systèmes de santé). Outre le Japon, la Corée du Sud ou encore la
Chine sont très touchées par le vieillissement (doc.1 p.323). En 1979, le
régime chinois, effrayé par sa forte pression démographique, met en place la
politique de l’enfant unique : les couples chinois ne doivent avoir qu’un
seul enfant. Cette maîtrise stricte de la natalité entraîne trente ans plus
tard un déficit des naissances qui se traduit par la baisse de la population
active : quarante millions de travailleurs prévus en moins d’ici 2030.
Qu’ils soient liés à la prise en
charge des besoins de la population ou qu’ils appellent à des mutations
profondes des sociétés, les défis démographiques en Asie du Sud et de l’Est ont
un impact sur la croissance économique de la région.
II.
L’Asie du Sud et de l’Est : un moteur de
l’économie mondiale
A. Une croissance économique très forte
D’après la Banque mondiale, en 2015, taux de croissance annuel moyen :
Zone euro : 1,5% ;
Amérique du Nord : 2,5% ; Asie du Sud : 7% ; Asie de
l’Est : 6.4%. Cette forte croissance s’affirme notamment dans les années
2000 où le PIB de la région explose.
Aujourd’hui, l’Asie du Sud et de
l’Est est un moteur de la mondialisation économique : 30% du PIB mondial
et 25% du commerce mondial. Cette part grandissante dans l’économie mondiale
s’explique par
- la diversité et la complémentarité des activités
économiques de la région : importante production manufacturière en Chine
et dans les Tigres + Vietnam, Cambodge (= pays atelier), haute technologie
(Japon, Corée du Sud, Taïwan), services (Inde), produits agricoles (Thaïlande).
- les investissements nombreux (IDE), américains,
européens, mais également internes à la zone (Japon, Chine)
- Et surtout un capital humain énorme : réserve de
main d’œuvre et foyer émergent de consommation.
- Une croissance différenciée d’un pays à l’autre
Diffusion du modèle de croissance
s’est par décollage économique successifs (doc.13 p.318):schéma diffusion du modèle japonais voir Cours Chine/Japon)
- Dès les années 1950, le Japon connaît un fort
développement économique en suivant un modèle de développement fondé sur une
industrialisation en montée en gamme (de
plus en plus perfectionnée : textile > industrie lourde > industrie
mécanique > hautes-technologies avec délocalisations une fois que le pays n’est
plus compétitif dans un secteur) grâce à d’importants investissements publics
et privés en matière de recherche et d’éducation.
- Rejoint à partir des années 1960 par les Dragons :
Corée du Sud, Hong-Kong, Singapour et Taïwan
- Puis dans les années 1970/80 par les Tigres : Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande-
- A partir des années 1980, la Chine et l’Inde libéralisent leur économie et intègrent progressivement dans la mondialisation une partie de leur territoire (Chine littorale, métropoles indiennes du nord-ouest)
- Puis dans les années 1970/80 par les Tigres : Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande-
- A partir des années 1980, la Chine et l’Inde libéralisent leur économie et intègrent progressivement dans la mondialisation une partie de leur territoire (Chine littorale, métropoles indiennes du nord-ouest)
- Dans les années 2000, le Vietnam, le Cambodge
connaissent un essor économique.
Période
d’essor
|
Pays
|
Caractéristiques
actuelles
|
Années
1950-60
|
Japon
|
Des Nords industrialisés :
IDH et PIB/hab élevés, mais croissance économique ralentie
|
Années
1970 -1980
|
Dragons : Corée du Sud, Hong Kong, Singapour, Taïwan
|
|
Années 1980/1990
|
Tigres : Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande
|
Des Suds émergents :
IDH et PIB/hab faibles, mais
forte croissance économique
|
Années 1980
|
Début de la libéralisation en Chine et en Inde
|
|
Années 1990/2000
|
Vietnam, Cambodge, Sri Lanka, Laos, Bangladesh
|
Diffusion de la croissance par
des investissements et des délocalisations d’un pays asiatique plus développés
à un autre.
L’ancienneté du décollage
économique de chaque pays ne détermine cependant pas la hiérarchie des
puissances économiques de la région. Aujourd’hui, la Chine devance le Japon en
termes de PIB (8 300 milliards de dollars contre 6000) de même que l’Inde
face à la Corée du Sud (1800 contre 1100), alors que les croissances chinoises
et indiennes sont plus récentes. Ces deux pays doivent leur niveau de richesse actuel
à leur gigantesque potentiel démographique.
C. La forte population en Asie du Sud et de l’Est, atout
et frein de la croissance
En fait complexité de liens entre
croissance démographique et croissance économique, mais il apparaît nettement en Asie
que les ressources humaines en abondance sont à l’origine de
la croissance: une population nombreuse, peu onéreuse, peu
revendicative et caractérisée par une forte adaptabilité ; une population
qui épargne. Ajoutons une population de plus en plus qualifiée (3 millions de
diplômés en sciences appliquées, sciences de la communication et ingénierie en
Inde chaque année)
Mais le poids démographique pose
aussi un certain nombre de problèmes en termes de santé, d’éducation, de
logement, et parfois même encore d’accès à l’alimentation. De façon générale,
la croissance que connaît l’Asie du Sud et de l’Est se base sur un modèle de
consommation et de production intensives qui limite le développement à
l’accumulation de richesses. La croissance asiatique semble donc au service
d’un développement inégal, générant des tensions de plus en plus fortes pour
une population très nombreuse.
III.
Une croissance à l’origine d’un développement inégal
A. Une inégale répartition des bénéfices de la croissance
économique
La croissance économique n’est
pas synonyme de développement. Il y a donc une inégalité de
développement très forte entre les pays de la région : le Japon, Singapour, la Corée du Sud font partie des pays les plus développés au monde alors que le Népal, le Laos ou le Myanmar font partie des PMA. Entre les deux, les cas indien et chinois traduisent la situation des puissances émergentes : forte croissance économique et PIB très important mais IDH et RNB/habitants faibles. Les inégalités sont aussi très fortes au sein
des pays. Le cas de la Chine est emblématique avec un développement décroissant
d’est en ouest (voir carte p.311). Les zones littorales ont un IDH élevé
(proche des PID) alors que les provinces de l’intérieur ont un IDH moyen voire
faible (Tibet). Ainsi, malgré une croissance économique record, l’Asie du Sud
et de l’Est se caractérise encore par l’importance de la pauvreté et de la
sous-alimentation : 2.2 milliards de pauvres, dont 1.6 pour la Chine et
l’Inde, 70% de la population sous-alimentée dans le monde, même si des progrès
sont visibles depuis les années 1970.
B. Une croissance qui génère des tensions importantes sur
les ressources et augmente la vulnérabilité des territoires
Croissance économique et
croissance démographique se conjuguent pour accroître considérablement les
tensions sur les ressources (eau, terres, minerais, hydrocarbures…) en Asie du
Sud et de l’Est. L’Asie apparaît à la fois comme un investisseur et une cible
de l’achat international de terres (land
grabbing) destinées à la production agricole. La crise alimentaire de 2008
a été le catalyseur d’un phénomène ancien, mais qui a pris aujourd'hui une
ampleur inédite. Les principaux pays acquéreurs en Asie (et dans le monde) sont
la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Les principaux pays cibles en Asie sont le Cambodge, l’Indonésie et les
Philippines, mais la Chine accroît surtout ses achats en Afrique. Au total
quelques 2,1 millions d’ha auraient
ainsi été achetés par des investisseurs chinois dans le monde.
Bangkok sous les eaux en 2011 |
L’Asie du Sud et de
l’Est est aussi un espace de très forte vulnérabilité aux risques du fait de la
pression démographique et de la pauvreté de certains Etats incapables d'assurer la protection de leur population. Les aléas climatiques peuvent conduire à de véritables catastrophes au bilan humain et économique très lourds : ce fut le cas par exemple avec le tsunami de 2004 dans l'océan indien qui fit 250 000 victimes, principalement en Indonésie. Le réchauffement climatique renforce également la force et la fréquence des aléas climatiques comme les typhons (cas des Philippines en 2014) ou les inondations (exemple à Bangkok en 2011). Le Bangladesh, où 70% du territoire est à moins de 5 mètres au dessus du niveau de la mer, est un pays particulièrement vulnérable face à l'élévation du niveau de la mer générant des flux de réfugiés climatiques.
Cette vulnérabilité concerne également des pays plus
développés. Le tsunami qui frappa le Japon en 2011 provoqua la mort de
18 000 personnes, des dégâts estimés à 210 milliards de dollars, et
l’accident nucléaire le plus grave de son histoire à Fukushima.
C. Vers un développement durable pour tous ?
Si les défis restent majeurs, la région connaît des
dynamiques nouvelles qui peuvent aboutir à mettre la croissance au service des
populations.
La contestation sociale s’amplifie dans certains
pays, exigeant de meilleures conditions de vie et de travail. Depuis 2010 au
Cambodge et au Bangladesh, des centaines de milliers d’ouvriers du textile ont
organisé des grèves massives pour obtenir des augmentations de salaire. Ces
mouvements sont régulièrement réprimés violemment par les gouvernements (3
morts à Phnom Penh en janvier 2014), mais alimentent les aspirations démocratiques
de la population.
Les enjeux environnementaux sont de plus en plus
pris en compte par les gouvernements et la sensibilité des opinions publiques aux
questions environnementales, ancienne au Japon, plus récente en Chine s'amplifie. Devenue
en 2006, le premier pays émetteur de gaz à effet de serre, la Chine a longtemps
totalement ignoré les enjeux environnementaux. Pourtant, pendant l’été 2012,
deux projets industriels polluants ont été arrêtés après des manifestations
populaires, parfois violentes mais qui connaissent une couverture médiatique
inédite. Si la Chine est le premier pays pollueur, c’est aussi devenu le
premier producteur d’énergies renouvelables signe de son intérêt croissant pour
les principes du développement durable.
Conclusion : La croissance démographique pose des défis majeurs aux pays d'Asie du Sud et de l'Est. Malgré les problèmes subsistants comme ceux posés par une transition urbaine mal maîtrisée, la croissance économique a permis de faire reculer l'extrême pauvreté et notamment le problème de la sous-nutrition. Pour autant, le développement pose à son tour de nouveaux problèmes comme celui de la pression sur les ressources naturelles, la vulnérabilité face au changement climatique ou le vieillissement de la population comme au Japon ou en Chine. De par leurs poids démographiques et économiques, les choix politiques et économiques des pays asiatiques influent donc désormais sur l'ensemble de la planète et sur l'avenir des sociétés humaines dans leur ensemble.
Conclusion : La croissance démographique pose des défis majeurs aux pays d'Asie du Sud et de l'Est. Malgré les problèmes subsistants comme ceux posés par une transition urbaine mal maîtrisée, la croissance économique a permis de faire reculer l'extrême pauvreté et notamment le problème de la sous-nutrition. Pour autant, le développement pose à son tour de nouveaux problèmes comme celui de la pression sur les ressources naturelles, la vulnérabilité face au changement climatique ou le vieillissement de la population comme au Japon ou en Chine. De par leurs poids démographiques et économiques, les choix politiques et économiques des pays asiatiques influent donc désormais sur l'ensemble de la planète et sur l'avenir des sociétés humaines dans leur ensemble.
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