mercredi 13 novembre 2019

La Chine et le monde depuis 1949


La Chine, premier foyer démographique et première puissance économique depuis l'Antiquité est dépassée par les puissances européennes  au XIXe siècle en ratant la marche de l'industrialisation. Le pays entre alors dans une phase de déclin miné par les divisions internes et par les appétits territoriaux des Européens et du Japon. Cependant, les Chinois surmontent l'épreuve de la guerre contre le Japon en 1945 et la Chine devient membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU en tant que pays vainqueur. Le 1er octobre 1949 la République populaire de Chine (RPC) est proclamée par Mao Zedong et c'est sous le régime communiste que la Chine va progressivement reconstituer les attributs de sa puissance passée. Ainsi contrairement aux EU, il ne s'agit pas d'étudier l'émergence d'une nouvelle puissance mais plutôt la renaissance d'une grande puissance.

Nous étudierons successivement cette réaffirmation de la puissance chinoise d'abord sous la période maoïste de la fondation de la République populaire en 1949 jusqu'au règlement de la succession du Grand Timonier puis de la prise de pouvoir de Deng Xiaoping jusqu'à nos jours qui correspond à une période d'ouverture au commerce international et d'extraordinaire croissance économique. 

I. La Chine maoïste, un Etat en quête de puissance (1949-1978)

A- La Chine et le modèle soviétique (1949-1956)

En 1949, à l’issue d'une  guerre civile de 22 ans  et quatre ans seulement après une guerre de huit ans contre le Japon,  la Chine doit surmonter les défis d'une reconstruction politique et économique.
- L'arrimage de la Chine dans le bloc socialiste
Afin de reconstruire le pays, Mao Zedong (surnommé "le Grand Timonier"),  fait le choix de rejoindre le camp soviétique et de s’allier à l’URSS. En 1950 est signé un traité d’amitié, d’alliance et d’assistance entre la Chine et l’URSS [doc 1 p.231] et la Chine adopte le modèle soviétique. 


Affiche de propagande chinoise

Solidaire de l'URSS dans le cadre de la GF,  la Chine communiste s'engage contre le bloc capitaliste. Le pays envoie en 1950 plusieurs centaines de milliers de "volontaires chinois" soutenir  la Corée du Nord [dossier p.232] lors de la Guerre de Corée (1950-53). La Chine soutient également le vietminh pendant la guerre d'Indochine en fournissant une aide logistique aux communistes vietnamiens et participe aux négociations de paix à Genève en 1954 où le ministre chinois des affaires étrangères Zhou Enlai joue un rôle décisif.

- La Chine se pose en leader du Tiers-Monde émergent

Ce dernier représente également Pékin à la conférence de Bandung en 1955 appuyant ainsi l'émergence du Tiers-Monde et la décolonisation.

- Le nationalisme Chinois et le projet de "Grande Chine

Dans le même temps, la Chine cherche à restaurer sa puissance régionale en Asie du Sud et de l’Est et à recouvrer son territoire:  le Tibet indépendant depuis 1912 est envahi en 1950;  La Chine reprend quelques îles côtières à Taïwan où se sont réfugiés les nationalistes chinois du Guomindang (parti nationaliste chinois au pouvoir en Chine de 1928  à 1949)


B. La rupture avec l'URSS et la reconnaissance internationale de la Chine (1956-1978)

La fin des années 1950 et le début des années 1960 marquent une rupture avec l’allié soviétique.
Doc.2 p.231 : en 1956, les dirigeants chinois accueillent mal les nouvelles qui leur viennent du XXème congrès du Parti Communiste de l’Union Soviétique (PCUS) qui prônent la déstalinisation  et la coexistence pacifique avec les Etats-Unis. Or, ces critiques du régime soviétique risquent de retomber sur Mao, proche de Staline, à une époque où le culte du " Grand Timonier" ne cesse de s’amplifier. Ensuite, Mao Zedong commence à remettre en question la pertinence du modèle soviétique fondé sur l'industrialisation alors que la Chine est un pays majoritairement agraire et que les masses chinoises sont paysannes. Enfin, Mao estime que le développement de la Chine doit s’appuyer sur une voie propre et unique, indépendamment de toute influence extérieure, autrement dit une voie adaptée aux réalités chinoises, un communisme sinisé. 

La  rupture sino-soviétique se traduit par l’abrogation des traités, le renvoi des experts soviétiques envoyés en Chine par l’URSS, des tensions entre les deux pays (incidents aux frontières en 1969, critique ouverte par la Chine de l’attitude de l’URSS pendant la crise de Cuba).Par ailleurs, la Chine affirme son indépendance en faisant exploser sa première bombe atomique en 1964.
Dès lors, Mao inscrit la Chine dans une voie particulière. Au niveau international et diplomatique, la Chine cherche à trouver sa place et à s’affirmer dans le monde. Tout d’abord la Chine cherche à s’imposer comme tête de file des pays non alignés, le Tiers-Monde. Dans les années 1960, la Chine met en avant son soutien indéfectible aux mouvements indépendantistes et apparaît pour les nouveaux Etats africains comme un modèle de développement socialiste alternatif. De plus, elle arme les guérillas communistes indépendantistes, comme en Angola, au Mozambique ou en Namibie.

Concernant les relations avec les pays occidentaux, en particulier les Etats-Unis, les relations sont marquées des deux côtés par un certain pragmatisme. Alors que la période des années 1950 était caractérisée par une forte opposition entre la Chine et les Etats-Unis, les années 1960 et 1970 sont au contraire marquées par un rapprochement diplomatique. Les Etats-Unis veulent affaiblir l’URSS en se rapprochant de son concurrent au sein du bloc socialiste mais aussi acteur indispensable dans la résolution de la guerre du Vietnam. La Chine ne cherche plus à rejeter absolument les Etats-Unis. Ainsi en 1971, l’équipe de ping-pong américaine accepte une invitation en Chine (c’est la « diplomatie du ping pong »). La même année, la Chine entre à l’ONU (en remplacement de Taïwan) suite à la levée du véto des Etats-Unis. En 1972, Nixon effectue le premier voyage officiel d’un président américain en Chine communiste (doc 4 p.231). 

C. Le modèle chinois dans le monde entre attraction et rejet

A l’intérieur, Mao lance des grandes réformes pour développer le pays. Les deux plus importantes sont « le Grand bond en avant » (1958-1961) et la « Révolution culturelle » (1966-1969). Le petit livre rouge (recueil de citations, de discours et d’écrits de Mao) devient le symbole de la  Révolution culturelle. En effet, sa lecture devient obligatoire à l’école, sur le lieu de travail, à l’armée, etc. Les conséquences de la Révolution culturelle  furent catastrophiques à moyen et long terme mais les idéaux de cette révolution, véhiculés notamment par le petit livre rouge, ont trouvé un écho dans le monde occidental.

maria-antonietta macciocchi
Mao, icône révolutionnaire pour les
étudiants de Mai 68 (ici à la Sorbonne)
 En effet, dans les années 1960 et 1970, le maoïsme connaît un certain succès en Occident. Les intellectuels de gauche, déçus du stalinisme, sont alors attirés par un communisme antibureaucratique. C’est en particulier le cas pour: Jean-Paul Sartre, Jean-Luc Godard (film La Chinoise de 1967 qui met en scène un groupe de cinq jeunes qui cohabitent dans un appartement parisien et cherchent à appliquer les théories maoïstes), ou encore François Mitterrand. Le maoïsme a également influencé les mouvements de mai 1968 (doc 2 p.234). Les voix qui s’élevaient contre le maoïsme étaient rares à l’époque telles celles du sinologue belge Simon Leys.

La Chinoise de Jean-Luc Godard (1967), exemple de fascination occidentale pour le maoïsme


Pourtant les dérives du régime commençaient à être connues à travers le monde par des rumeurs, à défaut d’une information fiable et indépendante sur la situation intérieure chinoise. Le « Grand bond en avant » de 1958-1961 qui devait mobiliser les masses chinoises afin d’accroître la production agricole mais surtout industrielle débouche sur une famine catastrophique qui a tué environ 20 à 30 millions de paysans. La « Révolution culturelle » (1966-1969) devait créer la « voie chinoise » pour l’édification du socialisme chinois a en réalité généré un climat de violence contre toutes les élites (intellectuelle, économique, politique). Les « ennemis du peuple » sont chassés, torturés, tués, humiliés, envoyés dans les laogai (camps de travail sur le modèle du Goulag soviétique) notamment par les gardes rouges (jeunes maoïstes chargés de débusquer les traîtres et les suspects). Ces moments de l’histoire de la Chine communiste ont fini par ternir son image à l’étranger et ont bloqué la modernisation du pays (grave baisse de production, effondrement des recettes de l’Etat, société déstabilisée) qui s’est privée à la fois de ses élites et de sa jeunesse. Ainsi, les politiques radicales de transformation voulues par Mao au service de la puissance chinoise n’ont en réalité qu’affaiblit le modèle économique chinois et ont retardé la normalisation de ses relations avec le reste du monde.

Mao décède en septembre 1976 et sa s'en suit une crise de succession : Deng Xiaoping, ancien secrétaire général du Parti communiste chinois écarté pendant la Révolution culturelle sort vainqueur de ces oppositions en devenant dirigeant de la RPC en décembre 1978 et entame une nouvelle ère pour l’histoire de la Chine.

II. La renaissance du dragon (1979-2015)

A- La modernisation et ses limites (1979-1989)

Conscient du retard cumulé par la Chine pendant la période maoïste tant dans le domaine économique que sur la scène internationale, Deng Xiaoping lance alors des réformes (les "4  modernisations") dont l’objectif est d’intégrer davantage son pays dans la mondialisation naissante.  

La modernisation économique passe notamment par la création en 1980 des quatre Zones Economiques Spéciales (ZES, déf. p.236 carte p.237). Il s’agit de créer sur le littoral sud à proximité des petites Chines capitalistes véritables défis à la Chine communiste des zones franches proposant aux entreprises étrangères des conditions préférentielles pour s’installer, permettant ainsi un afflux de capitaux étrangers (IDE) : Zhu Hai à côté de Macao, Shenzhen face à HK, Xiamen  et Shantou face à Taïwan.

Devant le succès des quatre premières ZES, l’Etat crée quatorze « villes côtières ouvertes » en 1984 puis des « zones littorales ouvertes ». Ces réformes permettent à la Chine de s’insérer dans la mondialisation.

Par ailleurs, la Chine intègre le FMI et la Banque mondiale en 1980, multiplie les accords commerciaux avec des pays occidentaux et signe un accord avec le Royaume-Uni afin de récupérer Hong-Kong (1984 pour 1997) et avec le Portugal pour Macao ( 1987 pour 1999). 

Une des célèbres photos du XXe siècle par Stuart Franklin
symbole du pacifisme et de la démocratie contre le
militarisme et le totalitarisme
Cependant, au milieu des années 1980, les réformes atteignent leurs limites : creusement des inégalités entre le littoral et l’intérieur du pays, absence de liberté d’expression, redistribution inégale des revenus de l’Etat, augmentation de la corruption, etc. Le contexte international (URSS en déclin, mise en place de perestroïka et glasnost par Gorbatchev, dissidences en Europe de l'Est) alimente également les velléités de liberté de certains Chinois, en particulier les étudiants. Au printemps 1989, des mouvements de protestation démocratiques naissent un peu partout dans les grandes villes. Fin avril, des milliers d’étudiants de l’université de Pékin occupent la place Tian’anmen. Certains ouvriers se joignent au mouvement. Fin mai, le gouvernement déclare la loi martiale et envoie l’armée à Pékin pour rétablir l’ordre. Du 4 au 8 juin 1989, les chars pénètrent dans la ville et tirent à balles réelles sur les manifestants faisant autour de 2000 morts. L’opinion étrangère assiste au drame et s’indigne de l’attitude d’un pays qui semblait être entré dans une nouvelle ère depuis la mort de Mao. L’image de la Chine est brusquement ternie, la RPC est de nouveau mise à l’écart de la scène diplomatique. Toutefois, malgré quelques sanctions internationales prises contre le régime, la Chine poursuit son intégration économique à la mondialisation : les firmes transnationales sont de plus en plus attirées par les faibles salaires pratiqués en Chine et les législations du travail très favorables aux entreprises.

 B. La Chine devient la 2e puissance économique mondiale

La crise de 1989 souligne le paradoxe du communisme chinois et les limites de la modernisation : libéral sur le plan économique et autoritaire sur le plan politique. En 1992 le PCC invente un nouveau concept : "l'économie socialiste de marché". Ce concept vise à combiner une économie socialiste planifiée et une économie de marché. La libéralisation économique s’accentue : les réformes appliquées aux ZES sont accordées à toutes les régions qui le demandent, les prix sont totalement libérés, un système bancaire moderne est mis en place, les privatisations d’Etat se multiplient. En 1991, la Chine intègre l'APEC (coopération économique de l'Asie-Pacifique) puis  l’OMC en 2001 et le G20 en 2008 et la décennie correspond aux années de croissance record du pays : plus de 10% par an ce qui permet au pays de devenir la 2e puissance économique mondiale devant le Japon en 2010.
L'économie chinoise se diversifie et monte en gamme en développant ses capacités technologiques et scientifiques : premier producteur de vêtements ou de jouets, la Chine est aussi devenue le premier producteurs de trains à grande vitesse, de voitures ou de panneaux solaires.
Forte de sa croissance économique et de son excédent commercial, la Chine peut développer ses ambitions géopolitiques car elle appuie désormais son développement et sa croissance sur les relations économiques avec le reste du monde. Le grand projet chinois actuellement sous la présidence de Xi Jin Ping est par exemple de créer une "nouvelle route de la soie" afin de faciliter le transport de marchandises par voie terrestre et maritime entre la Chine et l'Europe.

La Chine s'intéresse également toujours au continent africain à la fois réserve de matières premières et marché de consommation en devenir délaissé par les pays occidentaux. On parle ainsi de la Chinafrique pour qualifier ces liens de plus en plus forts entre la puissance asiatique et le continent africain( doc. p5 p.243). Le pays renforce enfin ses liens de coopération avec les autres émergents dans le cadre des rencontres du BRIC depuis 2009 (BRICS avec l'intégration de l'Afrique du Sud en 2011).

C. Les velléités de forger une puissance globale

La stratégie de puissance de la Chine est complète :
- elle renforce notamment son hard power par le biais d'un développement de son appareil militaire. En 2003, la Chine envoie même le premier taïkonaute dans l'espace. La Chine dispose du 2e budget militaire au monde et a annoncé fin décembre 2015 la construction d'un deuxième porte-avion. Il s'agit pour elle de renforcer le contrôle des routes maritimes indispensables à son approvisionnement en matières premières (notamment le pétrole importé du Moyen-Orient qui représente 40% de la consommation chinoise de pétrole) mais aussi à ses exportations. La Chine peut notamment s'appuyer sur des bases navales ou des facilités portuaires dans des pays alliés autour de l'océan indien (stratégie dite du "collier de perles'"). Cette stratégie de puissance se heurte parfois aux intérêts des autres pays de la région notamment le Japon ou l'Inde qui constituent les principaux rivaux de la Chine au sein de l'espace asiatique. Pour autant, le doc. p.236 nous montre que la Chine reste très loin derrière les EU sur le plan militaire et ceux-ci continuent de protéger le Japon, Taïwan ou la Corée du Sud contre les ambitions chinoises.

Résultat de recherche d'images pour "collier de perles chine"
Le "collier de perles" chinois


- la Chine ne néglige pas non plus le soft power : la Chine diffuse sa culture par le biais de son cinéma (Wong Kar Wai, Zhang Yimou et ses stars Zhang Ziyi, Gong Li, Jet Li) , de sa langue (510 instituts Confucius dans 140 pays en 2016), l'accueil de grands événements internationaux comme les JO de Pékin en 2008 ou l'exposition universelle de Shanghai en 2010. La Chine peut s'appuyer notamment sur sa diaspora très importante : environ 35 millions de Chinois vivent hors de Chine notamment en Asie du Sud-est et en Amérique du Nord.

Toutefois, l’intégration chinoise reste limitée politiquement, du fait de nombreuses critiques portées au modèle chinois. La cause tibétaine, la censure imposée par le régime et l’arrestation des opposants (par exemple le prix Nobel de la paix en 2010 Liu Xiaobo toujours en prison) attirent sur la Chine les critiques récurrentes de l’opinion publique internationale. Le modèle économique n’est pas exempt de critiques : le développement rapide chinois s’accompagne d’une émission massive de gaz à effet de serre, les villes géantes consomment espace et ressources sans souci de durabilité. La Chine prend cependant conscience des limites environnementales de son modèle de développement et a contribué à la réussite de la COP 21 à Paris contrairement à la conférence de Copenhague ce qui tend à souligner que la Chine assume désormais ses responsabilités de grande puissance industrielle.




Conclusion : La Chine est devenue un pays incontournable dans les relations internationales et dans le processus de mondialisation. Sa puissance s’est reconstruite par étapes, suivant un processus assez original. S’appuyant tout d’abord sur le modèle soviétique puis sur une « voie chinoise »: un développement singulier fondé sur les idées communistes. Sous l’impulsion de Mao dans un premier temps qui, malgré les nombreux excès de sa politique, va installer la Chine dans le concert des nations. Puis des dirigeants qui lui ont succédé en acceptant une ouverture au monde (ouverture économique, mode de vie, etc.) et en adoptant le « socialisme de marché ». Son rayonnement s’est élargi non seulement spatialement (de l’échelle régionale à l’échelle internationale) mais aussi en terme de domaines d’influence (d’abord plutôt politique et idéologique puis diplomatique et économique). L’ascension rapide et complète de la Chine effraye une partie du monde occidental expliquant notamment la mise en place de mesures protectionnistes aux EU pour lutter contre l'immense déficit commercial vis-à-vis de la Chine.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire