dimanche 13 octobre 2019

I. Le continent américain, entre tensions et intégration régionale

L'élection de Donald Trump à la Maison Blanche en 2016 marque un tournant dans l'histoire du continent dans la mesure où la politique états-unienne à l'égard de son aire continentale est marquée par un double protectionnisme à l'égard des flux migratoires mais aussi à l'égard des politiques de libre-échange avec notamment une remise en question de l'ALENA.

Le continent américain rassemble 35 pays et environ 1 milliard d’habitants répartis entre trois grands sous-ensembles régionaux : l’Amérique du Nord (Canada, EU, Mexique-ce dernier étant aussi compris dans l’Amq centrale), l’Amérique centrale et caribéenne et l’Amérique du sud. Ce continent étiré sur les deux hémisphères se caractérise par de très nombreux contrastes et une grande variété des organisations d'intégration régionale.

Dans quelle mesure les contrastes économiques et culturels du continent américain provoquent-ils des tensions ? En quoi celles-ci sont nourries par la « puissance du Nord » face à « l’affirmation du Sud » ?
  I.  Un continent marqué par de nombreux contrastes

A.  Disparités de développement à toutes les échelles

Le continent américain est marqué par d'importants contrastes socioéconomiques : 
- Seuls deux pays du Nord, membres du G8 dont la première puissance économique mondiale qui représente 68% du PIB continental.  
- Ensuite, deux puissances intégrées au G20 : le Brésil, 2e économie continentale et le Mexique, 4e puissance.
- Viennent ensuite des pays intermédiaires certains avec l’IDH est relativement élevé comme l’Argentine, le Chili ou moyens
- Présence d’un des pays les plus pauvres de la planète, un PMA, Haïti.
Ces inégalités se retrouvent également à l’échelle nationale ou locale. La plupart des pays américains se caractérisant par d’importantes inégalités sociales et territoriales (doc.2 p.31 indice de Gini). 

Par ex contrastes au Canada entre zone frontalière avec E-U et reste du pays. Même constat au Mexique où les Etats proches de la frontière avec les Etats-Unis bénéficient d'IDE et de l'activité des maquiladoras. 

Inégalités aussi entre les populations d’origines diverses : partout les populations autochtones ou descendants d’esclaves africains sont plus pauvres et subissent encore des discriminations (Sudeste brésilien ou "Vieux sud" des Etats-Unis qui concentrent les plus importantes populations noires et constituent aussi les régions les plus pauvres de ces pays respectifs). 











B. Les contrastes culturels


On distingue traditionnellement une césure culturelle entre l'Amérique du Nord anglo-saxonne, protestante, blanche et l'Amérique Latine catholique, ibérique découle de conquête coloniale. Dans les deux cette colonisation s’est faite aux détriments des populations amérindiennes autochtones souvent marginalisées.
Mais il faut sortir de ces contrastes culturels trop schématiques, de plus en plus remis en question par :
- métissage présent partout par ex E-U, Brésil (50,7% sont considérés comme noirs ou métis d’après le recensement de 2010), Argentine, etc.
- expansion du catholicisme aux E-U et de formes de protestantismes (Evangélistes-Pentecôtistes) en Am Latine.
- échanges et influences culturels : culture US en Am Latine (entre autres produits de consommation) et forte présence de pop d’Am latine aux E-U (1ère minorité du pays) : ex de la culture hispanique dans les Etats du Sud des E-U : séries, langue (espagnol 2ème langue officielle en Californie, en Floride), musique, etc.


C.  Les différences politiques et géopolitiques


L'indice de démocratie dans le monde
Tous les pays américains sont d’anciennes colonies européennes : espagnoles, portugaises, britanniques, françaises et aussi néerlandaises. Elles ont pris pour la plupart leur indépendance entre 1776 pour la 1e et le début du XIXe siècle mais restent quelques reliquats comme la Guyane ou certaines îles des Antilles.

Les principales différences politiques opposent des régimes démocratiques et libéraux comme les EU, le Canada et la plupart des Etats sud américains depuis la libéralisation des années 1980-90. Toutefois, Cuba et dans une moindre mesure le Venezuela font exception : l’un comme Etat socialiste depuis la révolution castriste de 1959, l’autre engagé dans la voix de la Révolution bolivarienne menée par Hugo Chavez à partir de 1999 et son successeur Nicolas Maduro depuis 2013. Ces pays cherchent notamment à s’affranchir de la tutelle EU en n’hésitant pas à soutenir des Etats ennemis ou rivaux des EU comme la Russie mais surtout aussi la Syrie ou l’Iran. Le Brésil quant à lui, englué dans une grave crise économique, a depuis l’élection de Jair Bolsonaro en 2018 a basculé d’une politique d’indépendance nationale menée sous le gouvernement de gauche du président Lula dans les années 2000 à un rapprochement vers les EU incarnée par le nouveau président issu de la droite nationaliste.  


II.  Un continent parcouru par de multiples tensions

A l’échelle de la planète, le continent américain apparaît comme un espace plutôt pacifié ou les guerres sont absentes. Pour autant une lecture un peu plus fine révèle de nombreuses tensions qu’elles soient entre Etats ou internes aux Etats.

A.  Les tensions entre Etats

Oppositions idéologiques : Le cas le plus emblématique est celui de l’embargo économique imposé par les EU sur le régime communiste de Cuba depuis 1962 (le rapprochement diplomatique opéré sous les présidences de B. Obama et Raùl Castro étant aujourd'hui remis en question par l'administration Trump). Cuba et le Venezuela ont noué des rapports étroits sous la présidence d’Hugo Chavez mort en 2013  lui aussi très critique à l’égard des USA et initiateur de la « Révolution bolivarienne » poursuivie par son successeur Nicolà Maduro. 

Les principales tensions concernent le tracé des frontières et par là l’accès aux ressources. C’est le cas par exemple entre le Canada et les EU pour la délimitation des ZEE en arctique ou  entre le Chili et la Bolivie, cette dernière revendiquant depuis 1833 un accès à la mer perdu lors d’une guerre contre le Chili.
Pour autant, la région se caractérise par une situation relativement atypique à l’échelle mondiale : aucune guerre depuis 1995 (guerre du Cenapa entre Pérou et Equateur), crédits militaires investis par les pays latino-américains sont faibles (certains pays ne possèdent même pas d’armée comme le Costa-Rica, Haïti ou le Panama). Par ailleurs, l’Amérique latine est une zone dite « exempte d’armes nucléaires ».

B.  Les tensions internes aux Etats

Pour autant la violence est très présente en Amérique du fait de la criminalité et de la circulation des armes à feu. La criminalité organisée gangrène de nombreux Etats américains et certains quartiers, villes voire des régions entières sont sous contrôle d’organisations mafieuses comme les cartels mexicains ou colombiens, maras (gangs armés) mésoaméricains. Doc.16 p.221 Cette criminalité profite notamment de la présence d’une frontière S/N majeure pour organiser le trafic de drogues ou d’êtres humains (migrants).
Taux d'homicides dans le monde


Situation de guerre civile dans certaines régions entrées en rébellion contre le pouvoir central et abritant des guérilleros comme les FARC en Colombie (processus de paix enclenché en 2017) ou l’armée zapatiste de libération nationale au Chiapas au Mexique. Ces guérillas sont d’inspiration socialiste et cherchent à défendre les droits des populations paysannes. 

Tensions sociales aussi sur la base des origines ethniques : nombreux peuples autochtones militent pour la revendication de leurs droits sur les terres dont ils ont été dépossédés (indigènes d’Amazonie, Inuits). On peut penser aussi aux tensions raciales aux EU avec le maintien d’un important racisme anti-noir (violences policières débouchant régulièrement sur des émeutes comme en 2015 à Baltimore)

III.  Les logiques d’intégration régionale
L’intégration des différents Etats américains à la mondialisation a comme ailleurs été marquée par une explosion des flux notamment favorisée par la coopération économique et politique des Etats américains.
A.  Les grandes organisations régionales et leurs effets spatiaux


Le continent américain est caractérisé par un processus d’intégration économique et politique disparate et souvent concurrent : deux principales politiques d’intégrations sont le Mercosur au sud (marché commun du sud :  Mercado Común del Sur) créé en 1991 et l’ALENA (accord libre échange nord américain) au Nord créée en 1994. Ces deux organisations sont dominées par les deux grandes puissances américaines que sont le Brésil pour la 1e et les EU pour la seconde. Dans le cas nord-américain, 77% des exportations canadiennes et 88% des exportations mexicaines sont destinées vers les EU traduisant leur dépendance à l’égard de leur puissant voisin.

D’autres organisations régionales ont été constituées et ont des finalités diverses  (économique, culturel ou politique) :
- favoriser l’intégration économique dans une aire géographique comme la communauté andine (Colombie, l’Equateur, le Pérou et la Bolivie), le CARICOM (Communauté des Caraïbes — 1972) est une parade de micro-États, corsetés par leurs relations avec les États-Unis et la question cubaine.
- proposer un modèle économique et politique concurrent et hostile aux EU : Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique( ALBA) impulsée par le Venezuela pour proposer un contre-modèle économique et politique aux EU associe essentiellement le Venezuela, Cuba et la Bolivie.
- les organisations continentales plus larges sont soit inféodées aux EU (OEA : organisation des Etats américains, simple forum de discussion) soit cherchent à s’en affranchir (CELAC :Communauté des Etats latino-américains et des Caraïbes) qui exclut les EU et le Canada et les territoires ultramarins européens en se concentrant sur les enjeux du développement. 
B. Une intégration accentuée par les flux

Finalement, ce sont sans doute les flux humains et économiques qui assurent l'intégration des différents territoires américains. 

- Les flux économiques et commerciaux (doc.2 p.223 : nbrx IDE des E-U au Mexique (par ex maquiladoras,) et au Brésil ou du Brésil vers les autres pays du Mercosur (valeur des échanges multipliée par 10 depuis 20 ans.)L’ALENA a donné naissance à deux grandes interfaces continentales entre les EU et le Canada au Nord et le Mexique au Sud avec de vastes conurbations frontalières (Ciudad Juarez/El Paso p.220) dynamisées par les flux de marchandises (Insérer ici le Schéma de la frontière EU/Mexique vu dans le cours sur les territoires dans la mondialisation). De même les régions frontalières entre le Brésil et l'Uruguay ou entre le Brésil et le Paraguay sont très intégrées en raison du Mercorsur. 

les flux humains : migrants et clandestins/touristes. Schématiquement surtout flux Sud-Nord pour les migrants attirés par les E-U et le Canada (mode de vie, travail, etc.) et flux touristiques Nord-Sud. Touristes des E-U se dirigent essentiellement vers Caraïbes et Mexique. Celui-ci sert aussi d’espace de transit pour migrants d’Am Sud. Ces flux génèrent des Flux de capitaux des migrants vers leur pays d’origine et constituent des apports de devises très importants pour les pays de départ. Ainsi, les remises représentent plus de 30% du PIB d’Haïti ou 15% de celui du Honduras. Les flux humains transforment les territoires d'accueil marqués par leur identité culturelle plurielle : villes des états du sud des EU (communauté cubaine et haïtienne à Miami par exemple), zones frontalières (E-U-Mexique avec les villes-jumelles, Brésil-Uruguay). Ces brassages humains et culturels donnent naissance à une culture métissée ("chicanos" du sud des EU, "portugnol" langue hybride à la frontière du Brésil et du Paraguya et l'Uruguay). 


Le groupe états-unien calexico mèle influences mariachi et rock témoignant du métissage du Sud des Etats-Unis au contact de la culture mexicaine. 
                                                
En somme, le continent américain est marqué par de forts contrastes à toutes les échelles (continentale, nationale, régionale et locale). Cette hétérogénéité vient renforcer les tensions, mais l’insertion dans la mondialisation et les dynamiques d’intégration régionale sont toutefois des facteurs de développement qui pourraient limiter les inégalités. L’élection de Donald Trump en novembre 2016 dont la campagne s’est basée sur la dénonciation de l’ALENA et de l’immigration latino-américaine annonce sans doute de nouvelles tensions entre le géant nord-américain et ses voisins latino-américains.              

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