Les E-U et le Brésil sont les deux 1ères puissances du
continent américain. Ce sont deux pays au fort potentiel : deux territoires immenses
offrant d’importantes ressources naturelles (pétrole, bois, fer, etc.). Ils
sont mis en valeur par une population nombreuse : environ 320M d’hab (3ème
mondial) pour les E-U et 200M (5ème mondial) pour le Brésil. Pour autant, malgré des points de convergences, beaucoup de choses séparent la 1e puissance mondiale de la puissance émergente latino-américaine engluée depuis 2011 dans une grave crise économique remettant en cause ses ambitions. L’étude comparée de l’influence
internationale des EU et du Brésil permettra donc de mesurer la différence
entre une puissance globale et installée et une puissance émergente.
I. Des rôles mondiaux différents
A. Deux
grandes puissances économiques
En
termes économiques, nous avons affaire à deux puissances économiques même si
très inégales car la 1e puissance économique mondiale a un PIB environ 8 fois
supérieur à celui de la 7e puissance économique mondiale. Les EU représentent
68% du PIB continental mais le Brésil représente à lui seul 50% du PIB de
l’Amérique du Sud. La puissance économique US est fondée sur une économie
diversifiée, une main d’oeuvre qualifiée (Brain
drain) et entreprenante et surtout une très forte capacité d’innovation
(GAFA).
C’est
dans le domaine agricole que l’économie brésilienne dispose de ses principaux
atouts à l’exportation et concurrence les EU dans certains domaines comme le
soja ou l’élevage (au total, la part des EU dans les exportations agricoles
mondiales est aujourd’hui deux fois supérieure à celle du Brésil contre 4 il y
a 30 ans. EU = 1er exportateur, B = 4e). Comme les EU (1er producteur mondial
de pétrole), le Brésil est aussi un grand pays minier (2e exportateur de fer,
dispose également de réserves en pétrole qui devraient le hisser selon les
estimations au 4e rang mondial d’ici 2030), Cependant, la puissance brésilienne
ne repose pas uniquement sur l’exploitation de ses ressources naturelles. Le
développement économique brésilien a hissé le pays en puissance financière en
devenir (doc.5) : aujourd’hui la bourse de Sao Paulo est la 9e place financière
mondiale certes encore très loin des capitalisations à Wall Street : 10%
environ du NYSE. La
croissance de l’économie brésilienne (certes en forte baisse depuis 2011 et
entré en dépression depuis 2014) attire les IDE. (le Brésil attire 40% des IDE vers
l’Amérique latine alors que les EU restent le premier récepteur mondial) mais
le Brésil s’est aussi mué en pays investisseur y compris aux EU (doc.6 p.225)
Les
deux pays sont engagés dans des processus d’intégration économique régionales,
espaces qu’ils dominent respectivement : ALENA et MERCOSUL.
B. L’attractivité culturelle
Le
soft power états-unien n’est plus à démontrer. Premier pays exportateur de
films, foyer des nouvelles tendances de l’industrie musicale depuis le début du
XXe siècle, premier pays pour le nombre de prix Nobel. La culture américaine
est dominante tant sur le plan de la culture dite “populaire” que de la culture
scientifique. Existe-t-il un soft power brésilien ?
Doc.12
p.227. Si le Brésil n’est pas très présent dans l’industrie cinématographique
(80 films par an contre près de 500 pour les EU) son audience est beaucoup plus
grande dans le domaine des séries télévisées et constitue un redoutable
concurrent pour les séries américaines sur les marchés des PED. Les télénovélas
brésiliennes sont produites en portugais et en espagnol pour l’exportation dans
toute l’Amérique latine et dans la péninsule ibérique. L’Afrique est devenue
également une grande consommatrice de séries brésiliennes en raison de leur
coût inférieur par rapport aux séries US. L’image internationale de la culture
brésilienne est aussi véhiculée par la musique (samba, bossa nova,...) ou par
le football (Le Brésil est le premier exportateur mondial de footballeurs et a
accueilli en 2014 sa première CdM et en 2016 les JO).
II. Deux puissances néanmoins très
inégales
A. La
suprématie militaire incontestée des EU
Doc.16
p.228+ 1 p.233. La
puissance américaine s’appuie sur un formidable appareil militaro-industriel
fondement du hard power américain. Avec plus de 43% des dépenses militaires
mondiales contre moins de 2% pour le Brésil les EU restent de très loin la
première puissance militaire mondiale. Les EU dépensent proportionnellement une
plus grande part de leur PIB dans l’armement que la moyenne mondiale (environ
2x plus) ce qui leur permet de maintenir leur avance alors que le Brésil au
contraire investit moins que la moyenne mondiale. L’incapacité brésilienne de
maintenir ses ambitions est symbolisée par le démantèlement du porte-avion Sao
Paulo, ancien navire français acheté en 2000 à la France faute de capacité
financière pour assurer son entretien. L’acquisition d’un porte aéronef à la GB
en 2018 doit permettre de limiter la baisse de capacité de projection de la
marine britannique. Le Brésil reste donc dépendant des importations pour
l’équipement de son armée. Ainsi, l’aviation militaire sera dotée d’avions
suédois Gripen, moins performants que ses concurrents états-uniens mais beaucoup moins
chers. En outre, les EU se sont dotés depuis la guerre froide d’un réseau
d’alliances militaires et de pays affidés sur les différents continents alors
que le Brésil ne dispose pas de ce type de partenariats stratégiques.
B. Une inégale influence politique
Les
EU disposent du premier réseau diplomatique au monde avec une présence
diplomatique dans 188 pays. C’est aussi évidemment un membre permanent du
conseil de sécurité de l’ONU et le premier contributeur financier de
l’organisation (doc. 18 p.229) ce qui lui donne un pouvoir de pression sur
elle.
Faible
militairement, le Brésil n’en cherche pas moins à renforcer sa capacité
d’influence à l’aide d’une diplomatie très active et plus ciblée que celles des
EU (voir le doc. 17 p.229 qui retrace les déplacements du président Lula sous sa présidence de 2002 à 2010). Le Brésil regarde d’abord vers son espace
continental et cherche à constituer un contrepoids face aux EU en Amérique
latine. Le Brésil cherche également à renforcer ses liens avec l’UE, les autres
émergents (d’abord au sein du forum IBSA
lancé par Brasilia en 2003 puis en intégrant les pays du BRICS doc.2 p.233) et l’Afrique car le Brésil semble vouloir
s’affirmer comme la 1e puissance politique parmi les pays du Sud. Le Brésil
réclame depuis plusieurs années un siège de membre permanent au conseil de
sécurité de l’ONU alors qu’il est, avec le Japon, le pays ayant siégé le plus
grand nombre de fois en tant que membre non permanent. Depuis son élection en 2018, le président nationaliste Jair Bolsonaro remet en cause la stratégie diplomatique développée depuis 20 ans par le Brésil en remettant en cause le multilatéralisme quitte à se fâcher avec ses partenaires économiques, l'UE en particulier.
C. L’inégale puissance économique
Si
le Brésil a connu une croissance annuelle moyenne supérieure aux EU ces deux
dernières décennies (3,3% en moyenne annuelle de 1995 à 2011 contre 2,5 pour les EU) cela ne
suffit pas pour contester la suprématie économique des EU. Doc.2 p. 89 : 133
FTN US contre 7 pour le Brésil (exclusivement secteur énergétique et minier,
banque et agro-alimentaire donc une économie moins diversifiée que l’économie
américaine notamment dans le domaine des services). Le Brésil est absent du
secteur des TIC et ne peut pas s’appuyer sur un mo aussi qualifiée que celle
des EU : 14% de la mo diplômée du supérieur du G20 est états-unienne et 3% est
brésilienne. Le dollar, première monnaie de réserve et de change, reste un
outil de la puissance US qui lui permet d’ailleurs de financer une grande
partie de sa dette.
Le
Brésil reste par ses indicateurs de développement un pays rattaché au Sud : 84e
pays au monde pour le PIB/hab (13e pour les EU en 2017 pour le FMI) et 79e pour
l’IDH (11e pour les EU en 2015). La situation brésilienne empire qui plus est
du fait de la crise économique que traverse le pays dans la décennie 2010 alors
que les EU sont sortis de la récession et affichent une relative santé
économique (2.3% de croissance en 2017, faible chômage). Toutefois, les deux
pays se rejoignent sur le plan des inégalités socio-économiques intérieures :
le coefficient de Gini est dans les deux pays élevé signe des importantes
inégalités sociales.
III. Les limites de la puissance
A. Les limites de la puissance
états-unienne
Les
attentats du 11 septembre 2001 ont révélé aux Etats-unis la virulence du rejet
de leur modèle civilisationnel et politique dans le monde et plus
particulièrement dans les pays musulmans mais aussi dans ses aires d'influence traditionnelle notamment l'Amérique latine. Les décisions politiques qui ont
suivi, notamment une certaine évolution vers l’unilatéralisme entrant en
contradiction parfois avec le droit international (invasion de l’Irak sans
autorisation de l’ONU, usage de la torture, détentions arbitraires et
humiliantes à Guantanamo ou Abou Ghraib, refus de ratifier le TPI) ont alimenté
cette défiance à l’égard des EU. Les décisions récentes et le langage parfois ordurier du président Trump confortent les ennemis et attisent l'inquiétude parmi les alliés traditionnels des EU. Sur le plan économique, la crise financière de
2008 a révélé quant à elle la fragilité de l’économie états-unienne notamment
l’excès de sa dette financée en grande partie par des pays étrangers, la Chine notamment, source potentielle de dépendance à terme.
B. Les limites de la puissance
brésilienne
La
comparaison avec les EU permet de mesurer toute la différence qui sépare une
puissance installée d’une puissance émergente qui, malgré ses ambitions, est
loin de pouvoir prétendre au statut de puissance complète. La faiblesse des
moyens militaires du pays et l’essoufflement actuel de sa croissance économique
ralentissent ses ambitions. En outre, les profondes inégalités socio-spatiales
(favelas, inégalités entre sud développé et nord du pays pauvre) peuvent
constituer un frein à l’extension de sa puissance car le pays doit d’abord se
concentrer sur ses problèmes internes (lutte contre l'analphabétisme qui
concerne encore 9% de Brésiliens, criminalité et violence,
sous-alimentation,...). Sur le plan culturel, l’influence brésilienne est
limitée par la faible diffusion de sa langue en dehors des pays lusophones
(Portugal, Angola, Mozambique, Cap-Vert).
C. Deux puissances contestées dans
leur aire continentale
Notons
également que la puissance US est contestée sur son propre espace continental :
contre-poids brésilien, ALBA, échec du projet de ZLEA.
Le
Brésil jouit plutôt à l’international d’une image positive notamment en Afrique
mais sur son continent, il n’arrive pas à constituer un vrai leadership. Si les
autres pays latino-américains soutiennent le Brésil dans son entreprise de
contestation de l’hégémonie des EU en Amérique, ils sont beaucoup moins prompts à
soutenir les ambitions du Brésil à s’ériger comme grande puissance comme en
attestent le manque de soutien à l’ONU pour appuyer la réforme du Conseil de
sécurité. La diversité des organisations régionales américaines (ALBA,
communauté andine) peut être aussi lue comme un moyen d’échapper non seulement
au giron des EU mais aussi du Brésil.
La crise protéiforme que traverse le Brésil depuis le début des années 2010 à la fois économique, sociale et politique remet fortement en question la capacité de ce pays à se poser comme une puissance d'influence mondiale. D'ailleurs, l'arrivée au pouvoir de J. Bolsonaro en 2019 traduit non seulement la profonde division de la société brésilienne mais aussi la fin d'une voix autonome au sein de l'espace américain. Le nouveau président, proche des idées de Donald Trump, s'est engagé vers un rapprochement avec les Etats-unis rompant ainsi avec la politique d'indépendance nationale et de puissance émergente menée sous la présidence Lula. Peut-on encore parler de rôle mondial brésilien dans ces conditions ?
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La crise protéiforme que traverse le Brésil depuis le début des années 2010 à la fois économique, sociale et politique remet fortement en question la capacité de ce pays à se poser comme une puissance d'influence mondiale. D'ailleurs, l'arrivée au pouvoir de J. Bolsonaro en 2019 traduit non seulement la profonde division de la société brésilienne mais aussi la fin d'une voix autonome au sein de l'espace américain. Le nouveau président, proche des idées de Donald Trump, s'est engagé vers un rapprochement avec les Etats-unis rompant ainsi avec la politique d'indépendance nationale et de puissance émergente menée sous la présidence Lula. Peut-on encore parler de rôle mondial brésilien dans ces conditions ?
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