La nécessité de réguler et
piloter l'économie mondiale s'est imposée après la seconde guerre mondiale alors que se mettent en place les conditions d'une accélération de la mondialisation impulsée notamment par les E-U qui assument dès lors un leadership international au sein de leur bloc. Les accords de Bretton Woods en 1944 symbolisent cette politique américaine.
A partir des années 1970, s'ouvre une période d'instabilité avec de nouveaux défis pour la communauté internationale : économiques, sécuritaires, environnementaux. Pour y faire face, la
notion de gouvernance s'est imposée : le terme, bien ancien, est revenu dans la langue française par l'entremise de la pensée économique anglosaxonne. La notion de gouvernance intègre
une multiplicité d'acteurs publics et privés engagés dans une action de
régulation et de direction. La gouvernance mondiale repose sur la prise de
conscience du caractère mondial de problèmes qui ne peuvent être réglés que par
l’élaboration de normes communes en associant acteurs étatiques et acteurs non
étatiques.
Entre volonté d'instaurer des
règles et celle de s'en affranchir, comment la gestion de l'économie mondiale
évolue-t-elle depuis 1944 ?
I. La mise en place
d’une coopération internationale pour encadrer l’économie mondiale (1944-1971)
A. Un contexte
favorable après la guerre
- La recherche de la paix :
les EU imposent leur lecture des causes de la 2GM. Selon eux, la crise
économique de 1929 et ses prolongements (projection commerce) sont responsables
de l'arrivée au pouvoir de Hitler et de l'aggravation des tensions
nationalistes au cours des années 1930 qui mènent à la guerre.
La crise a aggravé la concurrence entre les Etats qui ont eu de mauvais
réflexes : dévaluation de leur monnaie pour rendre leurs exportations plus
compétitives et protectionnisme pour protéger leur industrie nationale. Le
résultat est une contraction et l'effondrement du commerce international. Dès
1941, la Charte de l'Atlantique stipulait que la paix ne pourrait être garantie que
par un ordre économique mondial soutenant le développement du commerce
international (doc 2 p. 353). L'idée
est que des pays qui commercent entre eux ne se feront pas la guerre.
- La volonté de reconstruction :
les EU sortent économiquement renforcés du conflit en ayant vendu des armes à
leurs alliés et accordé des prêts. En 1944, leur industrie est prospère et ils
détiennent les 2/3 des réserves mondiales d'or. Leurs partenaires traditionnels
(Europe surtout mais aussi Asie) sont ruinés. Les EU ont deux craintes : la
récession pour eux et la diffusion du communisme faisant son lit de la misère.
Il faut accélérer la reconstruction dans le cadre du capitalisme libéral pour
ne pas ralentir le dynamisme de l'économie américaine.
B.
Le « système » de Bretton woods réorganise l’économie mondiale
Juillet 1944 : accords de Bretton Woods signés par 40 Etats. Mise
en place du Système monétaire international fondé sur le "Gold Exchange
standard" (>Doc 3 p.351). la valeur de chaque monnaie est exprimée en
or ou en dollars. Le SMI repose sur la parité fixe des
monnaies par apport au dollar (plus ou moins 1 %) qui est le seul directement
convertible en or : ce SMI institutionnalise la domination internationale du
dollar.
Stabilité et pérennité du SMI permise
par la création de trois organisations internationales dont seulement deux ont
vu le jour après guerre :
-
le FMI (Fonds monétaire international) en charge de la régulation du SMI.
- la BIRD (Banque internationale pour
la reconstruction et le développement) chargée de l'aide au financement des politiques de reconstruction mais en raison de moyens insuffisants,
les EU lancent le plan Marshall en 1947 et créent l'OECE (Organisation
européenne de coopération économique) pour répartir l'aide économique aux pays
Européens.
-
l'Organisation internationale pour le commerce (OIC) n'aboutit pas. A la
place, les EU et 22 autres pays signent un premier cycle (en anglais : round) d'accord général sur les
tarifs douaniers et le commerce (GATT)
en 1947 qui vise une réduction des droits de douane dans la logique du libre-écchange.
C. Apports et limites
du "système" de Bretton Woods
Du côté des réussites : le libre-échange s'étend à mesure
que le nombre de pays participants aux cycles du GATT s'accroit et que sont abaissés les tarifs douaniers. Les pays d'Europe de l'Ouest et le
Japon se reconstruisent rapidement et connaissent un boom économique.
Mais le système connaît de nombreuses limites :
- instabilité monétaire perdure : de nombreux pays
continuent d'avoir recours à des dévaluations (France : 1958 et 1969 par ex).
- le refus soviétique : les démocraties populaires ne
participent pas aux institutions financières internationales et l'URSS crée sa
propre organisation de coopération économique (CAEM) au sein du bloc
socialiste.
- système critiqué par les pays du Tiers Monde qui ne tirent pas profit du libre-échange et
s'enfoncent dans le sous-développement. Sous leur impulsion, l'ONU crée la
CNUCED (Conférence des nations unies sur le commerce et le développement) et le
groupe des 77 (G77) pour défendre leurs intérêts. En 1974, le président algérien Boumédiène appelle à l'instauration d'un nouvel ordre économique en dénonçant un système fondamentalement inégalitaire pour les pays en développement écartés des "leviers de décision" et victimes de la détérioration des termes de l'échange.
II. La crise de
l’ordre économique d’après-guerre (1971-1995)
A. La fin du système
de Bretton Woods
Caricature de Jack Knox (1971) |
Les difficultés
économiques américaines entraînent la décision par Nixon de mettre fin à la
convertibilité du dollar en or en 1971 ouvrant une période de forte instabilité
monétaire. Les pays européens tentent d'y répondre en 1972 par l'instauration
du "serpent monétaire européen" limitant les écarts de change entre
monnaies européennes. En 1976, les accords de la Jamaïque mettent officiellement fin au système de Bretton Woods. Le contexte économique
est particulièrement difficile avec les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979
qui conduisent à une forte inflation et à la récession. Pour répondre à ces
difficultés, de nouvelles formes de concertation voient le jour avec la
création du G6/7 en 1975-1976 pour favoriser le dialogue entre les grandes
puissances économiques (EU, GB, France, RFA, Italie, Japon puis Canada).
La première réunion du G6 à Rambouillet en 1975 |
B. Le recul de la
régulation étatique
Années 70-80 : développement des thèses néo-libérales qui
préconisent un recul de l'interventionnisme étatique. Politique mise en œuvre
notamment aux EU (Reagan) et en GB (Thatcher) par le biais de privatisations et
une réduction des dépenses publiques.
Période marquée par forte dérégulation des marchés
financiers favorisant l'intensification des flux de capitaux. Les Etats faisant
moins appel à l'impôt ont recours à l'endettement sur les marchés financiers
favorisant l'émergence de nouveaux acteurs non étatiques tels que les agences
de notation (dont le rôle est d'aider les investisseurs internationaux en notant les Etats recourant à l'emprunt pour évaluer le niveau de risque).
La généralisation du libre-échange grâce à la chute du bloc
socialiste, de nouveaux cycles du GATT (Uruguay Round 1986-1994) et l'ouverture
de la Chine ouvrent la voie à une nouvelle DIT (NDIT) qui favorise le renforcement des
FTN.
C. Une forte
instabilité économique
La fin du système de Bretton-Woods et les crises économiques
déstabilisent les économies des pays développés comme celles des pays en développement.
La dérégulation des marchés financiers favorise l'émergence
de bulles spéculatives + instabilité du dollar sont propices à générer des
Krachs financiers : c'est le cas à NY en 1987 ou à Tokyo en 1991.
Doc.1, 2 p.356+doc.3 p.355 Les pays du Tiers-Monde sont
quant à eux confrontés à la crise de la dette due à l'effondrement des prix des
matières premières alors que l’aide au développement venue des pays riches ne
cesse de diminuer. Avec la fin du Gold Exchange standard, le rôle du FMI
évolue, il devient un recours pour les pays en difficulté de financement,
principalement des PED (voir graphique des emprunteurs). Le FMI conditionne son
aide financière à la mise en place de politiques
d'ajustement structurel réduisant de manière drastique la dépense publique
et donc les politiques de développement. Les pays du Sud s'enfoncent dans le mal-développement.
Critique du FMI par la dessinatrice canadienne Bulbul (2013) |
III. Une nouvelle
gouvernance mondiale à l'heure de la mondialisation (1995--...)
A. La création de
l'OMC et la poursuite du développement du libre-échange
1995 : création de l'OMC
(organisation mondiale du commerce à laquelle adhérent progressivement la
plupart des pays du monde (notamment la Chine depuis 2001 et la Russie depuis
2012). Son domaine de compétence est plus large que les négociations du GATT
puisqu’elle peut sanctionner des Etats en infraction avec les règles du
commerce international (ex : Guerre de la banane p.360).
Depuis, les principes du
libre-échange sont de plus en plus remis en cause et ne sont plus portés à
l’échelle globale. L’UE négocie désormais des accords bilatéraux comme avec le Canada (TAFTA en cours de
ratification) et le Japon (JEFTA signé en juillet 2018) tandis que les EU se
replient vers des mesures protectionnistes depuis l'élection de D. Trump.
B.De nouveaux enjeux
pour la communauté internationale
Montée de la contestation altermondialiste qui émerge à
partir de la fin du XXe siècle et symbolisé par la réunion de forum sociaux
mondiaux depuis 2001 (doc.3 p.363). Portée par des associations citoyennes et
des ONG, le mouvement altermondialiste
critique le creusement des inégalités sociales, l'impact sur l'environnement
générés par la mondialisation libérale et promeuvent une "autre"
mondialisation. La grave crise
financière partie des EU en 2007 semble donner raison à ces critiques tant par
ses origines que par les réponses apportées à la crise.
Par ailleurs, depuis le sommet de la Terre à Rio en 1992,
l'ONU a imposé dans l'agenda international le principe de développement
durable. En 2015, la COP21 réunie à Paris a abouti au premier accord global de
réduction des émissions de CO2 pour répondre au défi du réchauffement
climatique. Cependant, les EU ont depuis lors annoncé leur retrait du texte et
donc en ont réduit considérablement sa portée (les EU sont le 2e pollueur de la
planète).
C. Vers une nouvelle
gouvernance mondiale
L'idée de gouvernance traduit l'influence croissante
d'autres acteurs que les seuls Etats dans l'organisation économique du monde.
On peut penser notamment aux FTN (lobbying), aux ONG (campagnes d'opinion) et
aux experts scientifiques (aide à la prise de décision à l'image du GIEC, groupe d'experts intergourvernemental sur l'évolution du climat) et sur lesquels l'ONU
s'appuie lors de l'organisation de grandes conférences internationales
notamment sur le climat (COP21 de 2015). Chefs d'entreprise et dirigeants du
monde se retrouvent par exemple chaque année au Forum économique de Davos
devenu depuis sa création en 1971 un important rendez-vous pour les élites
économiques de la planète. Les forums sociaux mondiaux réunissent quant à
eux depuis 2001 syndicalistes, associations, ONG, citoyens des Pays du Sud et du Nord et
cherchent à s’organiser et à faire entendre leur voix alternative.
Dans un monde en recomposition devenu multipolaire, les
institutions internationales ont été contraintes de s'adapter : depuis 1999,
les 20 premières économies mondiales intégrant des émergents du Sud se
réunissent chaque année (G20) mais
avec des résultats modestes tant les intérêts des uns et des autres sont
divergents. Depuis 2010, une réforme des droits de vote au FMI et à la Banque
mondiale donne plus de pouvoir aux pays émergents mais les directeurs de ces
institutions restent toujours occidentaux.
le G20 de Hambourg en 2017, le prochain se tiendra fin novembre en Argentine à Buenos Aires |
En conclusion, nous avons vu que les Etats-Unis ont joué un rôle décisif dans la mise en place d'une organisation économique du monde guidée par la logique du libre-échange. En cela, ils ont mis en place les conditions de la mondialisation et la diffusion du système capitaliste, désormais modèle économique hégémonique ou presque depuis la chute du bloc socialiste. Pourtant malgré le succès de leur modèle économique, l'influence des Etats-Unis semble moins grande aujourd'hui qu'au sortir de la guerre en raison de leur affaiblissement relatif avec l'émergence de nouvelles puissances économiques aptes à rivaliser avec eux comme l'UE ou la Chine. Ce monde désormais multipolaire, secoué par une grave crise économique largement imputable aux dérégulations financières, est confronté à de nouveaux défis tels que le déréglement climatique qui appellent à une gouvernance économique du monde plus poussée. Pourtant, la tendance est au contraire au repli national et même les EU semblent remettre aujourd'hui en cause le libre-échange depuis l'élection de Donald Trump.
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