mercredi 29 janvier 2020

Le continent africain face au développement et à la mondialisation





Sujet 1 . Le Sahara : ressources et conflits

Pour acompagner votre lecture, vous pouvez écouter Tinariwen, principale figure actuelle du "blues touareg" 




L’armée française est engagée depuis 2014 dans l’opération Barkhane, une vaste opération de surveillance de la bande sahélo-saharienne pour lutter contre les groupes islamistes radicaux.Cette intervention témoigne de l’importance de cet espace stratégique qu’est devenu le Sahara (as-sahra = le grand désert en arabe), situé en Afrique du nord, et plus vaste désert chaud du monde (8,5 millions de km²) s'étirant sur 6000 km d'est en Ouest (de l’Océan Atlantique à la Mer Rouge) et sur 2000 km du Nord au Sud). Les préjugés géographiques à son sujet sont tenaces : un désert, donc vide, frontière ou barrière entre le monde méditerranéen et l'Afrique noire. C'est en réalité bien plus une interface qu'une frontière et un espace de plus en plus actif qui concentre les enjeux géopolitiques et économiques.

Pourquoi le Sahara est-il devenu un espace d’une importance majeure du point de vue géostratégique ?


            I. Les contraintes et resources d'un désert en mutation

A. Les contraintes naturelles

Les contraintes naturelles : le Sahara est un désert chaud, c’est à dire caractérisé par des températures élevées (jusqu’à 58°), de très faibles précipitations et une forte amplitude thermique (jusqu’à -18° la nuit). C’est donc un vaste espace hostile à l’homme qui s’étend sur 8.5 millions de km2. Le Sahara n'est pas qu'un désert de sable : plusieurs massifs montagneux élevés y son présents : le Hoggar (Algérie), le Tibesti (Tchad), l'Aïr (Niger)... Sa partie sud, le Sahel est toutefois plus fertile. On y trouve des steppes qui forment un espace de transition entre le milieu désertique et le milieu tropical, mais depuis une cinquantaine d’années, le Sahel est soumis à un phénomène désertification, les périodes de sécheresse s’allongent à cause du réchauffement climatique. Les distances à parcourir sont immenses et avec 0,6 hab. /km2, le Sahara apparaît comme un espace isolé expliquant que sa mise en valeur soit difficile.

B. Les contraintes humaines

Les contraintes imposées par l'homme : le Sahara est un espace divisé entre dix États (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, Soudan, Tchad, Niger, Mali, Mauritanie). Les frontières sahariennes sont des limites récentes et sans fondement géographique. En effet, elles datent de la colonisation de l’Afrique par les Européens au XIXème, principalement par la France et la Grande Bretagne et l'Italie. Elles ont été déterminées par les anciennes métropoles en fonction de leurs intérêts stratégiques et militaires, mais sans prendre en compte les facteurs humains et économiques : calquées sur le tracé des méridiens et des parallèles (d'où leur caractère rectiligne), elles ignorent les territoires traditionnels de parcours des populations nomades du désert. Ces dernières, comme les Touaregs, vivent dans cinq États (Algérie, Mali, Niger, Libye, Burkina Faso). Elles ignorent aussi les espaces traditionnels des populations sédentaires, comme les Songhai qui vivent à cheval sur trois États (Mali, Niger, Burkina Faso). 

C. Un désert qui s'urbanise


Certes, l’essentiel de la population et des activités des États se partageant le Sahara se trouve dans leur partie non désertique. Les États tournent le dos au Sahara : les pays du nord du Sahara sont tournés vers la Méditerranée, les pays du Sahel vers des espaces moins contraignants au Sud. Cependant, depuis quelques décennies, on observe que de nouvelles dynamiques se sont mises en œuvre au Sahara, notamment maghrébin. Les pouvoirs publics (particulièrement en Algérie) ont pris le parti  d’aménager des portions désertiques de leurs territoires : développement des activités d'extraction, d'une agriculture modernisée, sédentarisation des populations nomades (à Tamanrasset par exemple). Pour eux, il s’agit non seulement de valoriser des ressources mais aussi d’affirmer leur souveraineté sur l’ensemble de leur territoire y compris dans leurs marges désertiques. La conséquence est que le Sahara n'est plus un désert d'hommes, l'urbanisation progresse, surtout dans le Sahara maghrébin. Dans les années 1950, seule la ville algérienne de Biskra, aux portes du désert saharien, dépassait les 50 000 habitants. Aujourd'hui, plusieurs dizaines de villes comptent plus de 100 000 habitants (ex : Tamanrasset en Algérie ; Nouakchott, la capitale mauritanienne qui approche le million d'habitants). En une trentaine d'année, le Sahara a gagné environ 5 millions d'habitants. 

Cette croissance démographique témoigne des ressources sahariennes qui font l’objet aujourd’hui de nombreuses convoitises, et jouent un rôle important dans l’intégration de cet espace dans la mondialisation.


C. De nombreuses ressources

Les ressources minières ou en hydrocarbures : le Sahara compte de nombreux gisements d’hydrocarbures (pétrole et gaz), dont les plus importants se situent en Libye (gisements de Syrte) et en Algérie (gisement d’Hassi Messaoud). Des minerais rares composent également le sous-sol saharien : le Niger peut compter sur des gisements d’uranium et d'étain, le Maroc et le Sahara Occidental sur des gisements de phosphate, la Mauritanie sur des gisements de fer.

L’eau : dans un espace caractérisé par de très faibles précipitations, elle représente une ressource précieuse et convoitée pour les États du Sahara. L’eau se trouve ponctuellement à la surface et a conditionné le peuplement traditionnel du Sahara : premièrement dans les oasis, comme celle de Tamanrasset en Algérie ou de Siwa et du Fayoum en Égypte, Deuxièmement dans la vallée du Nil, qui est le seul fleuve à traverser le Sahara du Nord au Sud et qui a conditionné depuis l’Antiquité le peuplement égyptien le long des rives du fleuve et mis en valeur dans les années 1960s  par la construction du barrage d’Assouan.
La Grande rivière artificielle en Libye
L'eau se trouve d'autre part dans le sous-sol dans de vastes nappes non renouvelables : les aquifères fossiles c'est-à-dire des nappes d’eau souterraines en très grande profondeur. Seule la Libye a pour l’instant valorisé cette ressource par l’énorme programme de « Grande Rivière artificielle (3000 km de canalisations pour acheminer l’eau vers les villes du littoral posant des problèmes éthiques (non renouvelable) et géopolitiques (nappes communes à l’Algérie et à l’Egypte).



Un fort potentiel en matière d’énergie solaire et éolienne qui reste à valoriser. En effet, le Sahara offre des conditions favorables à la mise en place de d’infrastructures de production d’énergie durable. Au Maroc l'État a ainsi développé un programme de construction d’éoliennes (projet Sahara Wind).
Usine solaire de Ouarzazate (Maroc)
Un potentiel touristique : Les paysages et les peintures rupestres peuvent représenter un potentiel touristique, sous formes de randonnées et de découverte des déserts. Mais les révolutions arabes de 2011 et le manque de sécurité ont considérablement limité ces activités récemment. L'État marocain tout particulièrement tente néanmoins de valoriser de cette manière le sud du pays.

II.                  Sahara : ressources et convoitises

A.                  Un désert convoité 

Les hydrocarbures et les minerais attirent la convoitise de nombreux acteurs États locaux ou non-africains (particulièrement Européens, Chinois et Américains), entreprises  (Exxon, CNPC, Total,...) . L’exploitation de minerais attire également les investisseurs étrangers, comme le français AREVA qui contrôle l’exploitation de l’uranium au Niger (gisement  d'Arlit et futur gisement d'Imouraren).  Cette forte présence étrangère donne lieu à de nombreuses critiques. Les flux de capitaux vers l’Afrique se multiplient, les flux de travailleurs étrangers vers les sites d’extraction augmentent et participent à intégrer le Sahara dans la mondialisation, mais certaines ONG ou journalistes dénoncent le poids exagéré des gouvernements et des entreprises étrangères dans l’économie et la politique des pays du Sahara. La France est particulièrement critiquée à travers l’expression « Françafrique » tandis que la présence chinoise en Afrique a donné naissance à l’expression « Chinafrique ».

B. Un espace parcouru par des flux 

Le Sahara est un espace d’échanges et de circulation très ancien. Ces échanges ont néanmoins varié dans le temps.                                    
        
Le transport transsaharien !
Le commerce transsaharien  par caravanes a quasiment disparu, mais les relations transsahariennes (motorisées) ont repris, perpétuant une forme de continuité : du sud viennent des marchandises simples (le sel, le bétail, l’arachide, le sésame, le henné) tandis que du nord viennent des produits manufacturés (tissus, appareils électriques,...) mais aussi des produits alimentaires.  Les axes empruntés sont essentiellement des axes routiers méridiens (=N/S) peu nombreux et peu reliés entre eux. Les moyens de transport employés sont des camions, surchargés, mal équipés, mal entretenus… qui servent de bus et de camion en même temps.  De plus, l’espace saharien est mal contrôlé et lieu de tensions ce qui en a fait un lieu privilégié pour tous les trafics illicites et les produits de contrebande.
Le Sahara : un espace de trafics en tous genres
Les migrations se sont quant à elles intensifiées  à partir des années 1970. Toutes les migrations ne visent pas l'Europe, beaucoup de migrants restent dans les pays du nord Sahara, plus riches que la partie sud.  Quelle que soit leur destination finale, leur présence modifie profondément les régions traversées (doc.9 p.262). Dans la plupart des localités du Sahara algérien et libyen, 20 % de la population est subsaharienne.  Parmi eux, beaucoup de clandestins.


C. Un désert de plus en plus aménagé et urbanisé

Certes, l’essentiel de la population et des activités des États se partageant le Sahara se trouve dans leur partie non désertique. L’observation d’une carte de l’occupation et de l’aménagement du territoire, révèle que les États tournent le dos au Sahara : les pays du nord du Sahara sont tournés vers la Méditerranée, les pays du Sahel vers des espaces moins contraignants au Sud. Cependant, depuis quelques décennies, on observe que de nouvelles dynamiques se sont mises en œuvre au Sahara, notamment maghrébin. Les pouvoirs publics (particulièrement en Algérie) ont pris le parti  d’aménager des portions désertiques de leurs territoires nationaux : développement des activités d'extraction (comme à Hassi Messaoud dans l’est algérien), d'une agriculture modernisée dans les oasis traditionnelles (Sebha dans le Fezzan libyen avec 200 000 habitants) , sédentarisation des populations nomades.   La conséquence est que le Sahara n'est plus un désert d'hommes, l'urbanisation progresse, surtout dans le Sahara maghrébin. Dans les années 1950, seule la ville algérienne de Biskra, aux portes du désert saharien, dépassait les 50 000 habitants. Aujourd'hui, plusieurs dizaines de villes comptent plus de 100 000 habitants (ex : Tamanrasset en Algérie ; Nouakchott, la capitale mauritanienne qui approche le million d'habitants). En une trentaine d'année, le Sahara a gagné environ 5 millions d'habitants. 


Le Sahara n’est donc pas perçu dans sa globalité mais est aménagé aux échelles nationales. Ses ressources font l’objet aujourd’hui de nombreuses convoitises et jouent un rôle important, dans l’intégration de cet espace qui paraît marginal à l’échelle des États, dans la mondialisation. Ce faisant, le Sahara attise les convoitises génératrices de tensions et conflits. 

Le Sahara est donc un espace qui met en contact l’Afrique subsaharienne avec l’Afrique du Nord et au-delà l’Europe. Malgré les nombreuses contraintes, il s’agit d’un espace de plus en plus parcouru et habité qui s’intègre de façon originale dans une certaine mondialisation. Mais objet de convoitises, divisé entre plusieurs États, et traversé par des flux illicites il se caractérise également par des tensions et conflits divers.


III.                Des tensions et conflits nombreux



A. Les conflits interétatiques 

Héritées de la colonisation, ces limites territoriales peinent à être reconnues et acceptées. L’Algérie et le Maroc ont des relations diplomatiques extrêmement tendues pour cette raison, mais le conflit le plus grave est celui du Sahara Occidental, cette ancienne colonie espagnol est revendiquée à la fois par le Maroc et par le parti indépendantiste Front polisario et n'a donc toujours pas de statut international officiel depuis le départ des Espagnol en 1976. 
Les infrastructures permettant d’exploiter les ressources du Sahara sont également sources de tensions entre les pays. L'Égypte accuse ainsi la Grande rivière artificielle de Libye de capter de l'eau de nappes fossiles qui se trouvent sous son territoire. On peut également citer les conflits entre Soudan et Égypte pour le contrôle et l’exploitation du Nil, l'approvisionnement en eau essentiel à l'irrigation et à la production électrique de l'Egypte dépendant en grande partie des débits fournis par les pays d'amont.


B. Les conflits interethniques

Les peuples nomades représentent une autre source de conflit. Au XIXème siècle, leur espace de migration a été divisé par les frontières coloniales, et ils ont été incités à se sédentariser, de façon plus ou moins pacifique. Afin de contrôler leurs frontières et leur population, les États nationaux ont essayé de mettre en place des politiques d’acculturation. Les nouvelles frontières ont désorganisé les réseaux d’échange et bouleversé les modes de vie traditionnels liés à un système pastoral nomade qui a conduit à un appauvrissement. L’exploitation de certaines ressources se fait parfois au détriment de populations autochtones. Ainsi, même si de nombreux Touaregs se sont sédentarisés pour se fixer dans quelques villes du Sahara comme Tamanrasset, leur intégration aux sociétés demeure très difficile, et beaucoup restent attachés à leur culture et à leur mode de vie traditionnel, ce qui provoque d’importantes tensions notamment des conflits d'usages avec les agriculteurs en concurrence pour les points d'eau avec les éleveurs. Ces tensions peuvent aller jusqu’au nationalisme armé, à cause du manque de contrôle de la région et de l’importance du crime organisé. Trois grandes révoltes Touareg ont agité le nord du Mali et du Niger, au cours des années 1960, 1990 et 2000. Ces révoltes sont animées par des groupes radicaux, comme le Mouvement National pour la Libération de l’Azawad, parfois proche des mouvements islamistes, comme Ansar Dine.

La guerre civile au Darfour depuis 2003 est elle aussi une guerre intra-étatique qui a une dimension ethnique (populations noires rebelles contre populations arabes dominantes), mais de nombreux autres enjeux se superposent : les aspects climatiques, pétroliers, démographiques et politiques.

C. Une région déséquilibrée par le terrorisme djihadiste

Le ressentiment nomade et le trafic d’armes ont en effet représenté un terreau favorable pour le terrorisme islamique qui a commencé à sévir dans la région durant la Guerre civile algérienne dans les années 1990, le Sahara constituant un espace mal contrôlé et donc refuge pour les groupes islamistes. Depuis 2003, le groupe terroriste AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique) sévit ainsi dans le sud de l'Algérie et surtout en Mauritanie, au Mali et au Niger. Ses actions consistent à enlever des Occidentaux pour bénéficier de l'argent des rançons. Le renversement du régime de Khadafi en Libye a entraîné une importante hausse du trafic d'armes dans la région. En janvier 2012, ce mouvement devient suffisamment puissant pour organiser un soulèvement au Mali. C’est ce soulèvement qui a entraîné l’intervention de la France en janvier 2013, avec l’aide et le soutien de l’ensemble de l’Union Africaine. Cette intervention révèle l’importance prise par le Sahara dans la géopolitique mondiale. L'organisation Etat islamique par le biais du groupe Etat islamique au Grand Sahara créé en 2015 s'est implantée également dans la région en s'appuyant sur un recrutement au sein de l'éthnie peul (pasteursnomades de la zone sahélienne) et a récemment mené des attaques très meurtrières contre des cibles militaires maliennes, nigériennes et burkinabaises.

            


Le Sahara est très difficile à contrôler c'est un vaste espace hostile morcelé entre une dizaine d'États  dont il constitue généralement une marge.  Il suscite des convoitises à cause de ses nombreuses richesses qui intéressent des acteurs nationaux ou étrangers. Parcouru et habité, le Sahara est donc un espace très complexe qui s’insère dans la mondialisation et constitue un enjeu géopolitique et économique de plus en plus important.






Sujet 2 : L’Afrique face au développement et à la mondialisation

Pour étudier ce cours, quelques pistes musicales :

Rokia Traore (chanteuse malienne) : 



Ali Farka Touré (également malien) : 



ou bien William Onyeabor (Nigérian) pionnier de la musique électronique en Afrique à la fin des 70s



Le continent africain apparaît souvent comme une victime de la mondialisation et cumulant les handicaps : à l’écart des grands flux du commerce mondial, vidé de ses forces vives par la fuite des cerveaux, grande pauvreté de sa population, faiblesse structurelle des Etats permettant au terrorisme, à la corruption, à la criminalité de prospérer. Porté par une forte croissance de sa population en raison de la transition démographique, l’Afrique qui rassemble environ 1,1 milliards d’habitants, fait face au défi du développement c’est à dire une croissance économique permettant une amélioration sensible des conditions des populations et en prenant désormais en compte l’impératif de durabilité cad en limitant l’impact environnemental. Pour autant, malgré l’image globalement négative renvoyée par le développement africain, la situation évolue et doit être nuancée car le développement africain n’est ni homogène ni figé.

L’étude du continent-africain nous permettra d’étudier la question de la mondialisation sous l’angle des stratégies de sortie du sous-développement. Quels sont les atouts de l’Afrique dans la mondialisation ? Celle-ci peut-elle permettre  à l’Afrique de surmonter le défi du développement ? 


I. Les défis d’un continent à l’écart du développement

Observée à l’échelle continentale, l’Afrique cumule les indicateurs défavorables qui alimentent la représentation d’une Afrique pauvre. Les défis à relever restent très nombreux.

A.L’explosion démographique et urbaine


La démographie africaine : L'Afrique est le continent qui connaît la plus forte croissance démographique. Avec 1 milliard d'habitants, elle est aujourd'hui deux fois plus peuplée qu'en 1980 et sa population devrait doubler d'ici 30 ans. Globalement, l'Afrique est en effet en pleine transition démographique. De ce fait, le continent est celui qui compte le plus de jeunes au monde : la moitié de la population a moins de 25 ans (cf. doc 5 page 269). La croissance démographique non maîtrisée représente un obstacle au développement : la pression humaine s’accroît inexorablement sur les ressources, le manque d'emplois et de perspectives économiques pousse la jeunesse sur la voie de l'émigration. 

L'urbanisation : l'Afrique est le continent qui connaît le taux d'urbanisation le plus faible (un peu moins de 40 % en 2013) mais le taux de croissance urbaine le plus rapide : la population urbaine a été multipliée par 13 depuis 1950. Une très forte croissance naturelle propre aux villes s’ajoute à un exode rural massif pour expliquer ce mouvement de croissance des effectifs urbains. Des villes multimillionnaires géantes, des mégapoles, s'affirment : Lagos, Le Caire, Johannesburg, Kinshasa... L'étalement urbain représente un défi pour les autorités car il pose alors le problème de la suffisance et de la qualité des infrastructures : les municipalités doivent assurer l’accès à l’eau potable, mieux desservir l’espace urbain en développant les transports en commun, assurer la construction de logements… Ces défis ne sont pour le moment pas relevés : selon le Programme des NU pour l’environnement (PNUE), 60 % de la population africaine vivant dans les zones urbaines habite dans un bidonville. Kibéra, à Nairobi au Kenya, est considéré comme le plus gros bidonville d'Afrique et compte 700.000 habitants.


B. La pauvreté et ses manifestations

Cf. carte 1 page 266 :  l'Afrique reste la région en développement avec le taux de pauvreté extrême le plus élevé, même s'il est en diminution constante depuis la fin des années 1990. Selon les rapports des NU, le taux de pauvreté extrême en Afrique a continué à baisser pour atteindre en environ 46 % de la population (càd gagnant moins de 1,25 $ par jour). Les situations sont cependant très diverses selon les États : au nord du Sahara, les États possèdent un PIB/habitant et un IDH moyen : autour de 5000 dollars/an/hab. et un IDH autour de 0,7 ou plus (Algérie, Libye, Tunisie). Il en va de même pour l'Afrique du Sud (cf. supra). L'Afrique subsaharienne en revanche connaît des chiffres dépassant rarement le 0,5 pour l’IDH et beaucoup de PIB/hab. sont inférieurs à 1500 $/hab. (RDC : 217 $/hab.). .). Cette pauvreté engendre des problèmes de malnutrition (230 millions de personnes concernées) et des crises de subsistance (émeutes de la faim, famines,…), une grande vulnérabilité sanitaire face aux maladies (en particulier le paludisme et le Sida) ainsi qu’un accès encore très partiel à l’éducation notamment dans les PMA. Au Niger, on estime ainsi la scolarisation à 40 %, dont seulement 10 % de filles. L'absence de perspective économique pour les jeunes diplômés favorise la fuite des cerveaux et constitue un handicap certain pour le développement en privant l'Afrique de ses personnels qualifiés. 
Crise alimentaire : Soudan du Sud, Somalie, Nigeria et Yémen au bord du gouffre
Crise alimentaire début 2017 dans la corne de l'Afrique

C. Un développement loin d’être durable

De nombreux écosystèmes sont menacés : ainsi, le delta du Niger aurait subi 7000 marées noires entre 1970 et 2000. La pêche industrielle au large des côtes africaines du Golfe de Guinée, très poissonneuses, a considérablement réduit la ressource halieutique dont dépendent près de 1 millions de pêcheurs artisanaux. Les firmes étrangères qui exploitent les ressources pétrolières (cf. texte 2 page 279), minières, forestières sont régulièrement accusées de mauvaises pratiques par les ONG et certains États qui leur intentent des procès : pollution, évasion fiscale, exploitation de la main d'œuvre. L’agriculture exportatrice et l’utilisation d’OGM provoquent des dégradations de sols et inquiètent l’OMS. Les surfaces forestières ont reculé depuis 1980. L’urbanisation rapide s’accompagne de la prolifération d’habitats précaires et de pollutions graves.



Confrontée à ces multiples défis, l’Afrique se caractérise par sa grande vulnérabilité. Sa pauvreté, la faiblesse des États et les difficultés de l’aménagement du territoire font que les risques naturels y exercent des ravages plus importants qu’ailleurs fautes de moyens et de politiques préventives pour y faire face.


II. Les freins au développement : des Etats structurellement faibles

A. Les freins économiques

Le PIB africain constitue moins de 3 % de la production de richesse mondiale et l’économie africaine pèse faiblement dans le commerce mondial (3 % des échanges mondiaux, même si cette part est en augmentation). Cela s’explique par plusieurs facteurs :

Des économies de rente mono-exportatrices dépendantes de l'évolution des cours mondiaux : dans beaucoup de pays, le secteur primaire est hypertrophié. On parle de « malédiction des ressources » pour décrire le paradoxe d'un continent dont le sol et le sous-sol sont riches mais dont les populations peinent à sortir du sous-développement. Ces ressources concernent d'une part l'exploitation agricole du sol : les espaces climatiques variés du continent permettent divers types d'agriculture destinés à l'exportation.. Se pose toutefois la question de la concurrence entre ces cultures destinées à l'exportation et l'agriculture vivrière. Une part importante des actifs travaille dans l'agriculture, qui reste pourtant peu productive et peu compétitive, faute de capitaux pour la moderniser. L’agriculture représente ainsi 45 % du PIB malien (contre 1 % aux États-Unis) pour des rendements de seulement 0,5 tonne/ha (contre 15 tonnes aux EU)
L'exportation massive d'un seul produit et le manque de diversification de l'économie rendent donc les pays dépendants du cours des matières premières et des partenaires commerciaux. L'exploitation de ces ressources intègre l'Afrique dans les flux de la mondialisation mais les revenus de ces ressources ne sont pas bien répartis et peuvent être un facteur d’instabilité politique. Le cas de la RDC est malheureusement exemplaire à cet égard : un sous-sol très riche, des potentialités agricoles immenses mais l'un des pays les plus pauvres et les plus instables du monde.


B. Une situation politique peu favorable au développement

Les pays africains se sont retrouvés indépendants dans les années 1960 sans avoir pour autant l’expérience de la démocratie. Bien souvent, ils ne disposaient pas d’une élite politique capable de prendre la suite des colonisateurs parfois partis précipitamment. L’unité politique réalisée lors de la lutte pour obtenir l’indépendance ne résiste souvent pas à l’exercice du pouvoir : les oppositions politiques minent ces jeunes nations. Elles sont fréquemment accentuées par de vives oppositions ethniques car les Etats africains sont rarement des Etats-nation. 

Ces nouveaux pays connaissent donc souvent la guerre civile. Ceux qui ont réussi à installer d’emblée une démocratie sont très peu nombreux (exemple du Sénégal qui a connu deux alternances politiques depuis 2000). Le pouvoir y est fréquemment confisqué par une dictature militaire qui s’appuie souvent sur une ethnie. Le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, est ainsi resté en fonction de  1987 à 2017, tandis qu’aucune élection présidentielle n’a eu lieu depuis la création de l'Érythrée, en 1991. Les pays africains souffrent donc d'un problème de mauvaise gouvernance : corruption ("biens mal-acquis"), népotisme, investissements de prestige inutiles (les "éléphants blancs")

De tels régimes favorisent les coups d'État, comme en République démocratique du Congo, ou les révolutions comme pour le « printemps arabe » en Tunisie, Libye Egypte en 2011 ou plus récemment en Algérie et Soudan (2019). De plus, pour beaucoup, la guerre, parce qu’elle permet de se procurer rapidement des richesses, devient plus intéressante que la paix. Entre 1991 et 2001, décennie surnommée « décennie du chaos » 35 pays sur 53 connaissent des affrontements internes [schéma possible des conflits au Sahara]

C. Des intégrations régionales multiples et peu efficaces

De plus, dans ce contexte de mondialisation compétitive, l’Afrique, trop divisée, doit construire des organisations régionales efficaces qui leur permettraient de pallier leur faiblesse économique et l’insuffisance du marché intérieur. Aujourd’hui plus de 200 organisations censées favoriser l’intégration régionale existent en Afrique. La plupart d’entre elles ne sont que des coquilles vides : les économies et les infrastructures des pays sont encore tournées vers les anciennes métropoles, les EU ou la Chine. Cinq organisations régionales paraissent plus avancées et plus tangibles que les autres, même si elles n’ont que peu d’effets intégrateurs, aucune n’ayant véritablement mis en place un marché commun (cf. carte 2 page 275) : UMA (Union du Maghreb) - CEDEAO (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) - CEMAC (Communauté économique et monétaire des États d’Afrique centrale) - COMESA (Marché commun de l’Afrique australe et orientale) - SADC (Southern African Development Community). L’Union africaine ne demeure qu'un forum politique.
En résulte le maintien d'une forte dépendance à l'égard des puissances industrielles comme l'illustre le cas du Franc CFA, monnaie commune au sein de l'UEMOA et de la CEMAC dont la valeur est indexée sur l'Euro et la gestion confiée à la Banque de France. 


III. De nouvelles perspectives pour l'Afrique

A. Le dynamisme des économies africaines 

Une situation économique qui s'améliore :

D'une part, les taux de croissance économique sont exceptionnels dans les années 2000 : en dehors des pays en guerre ou agités par des troubles civils (Somalie, Ouganda, RDC, Zimbabwe…), la plupart des pays africains a renoué des taux de croissance positifs : cette croissance atteint aujourd'hui en moyenne 5 % par an, parfois beaucoup plus : les pays pétroliers en particulier ou les "Lions africains" (Côte d'Ivoire, Ethiopie, Kenya,..) affichent des taux de croissance proches de ceux de la Chine. Certes, les pays africains partent de loin et ce rythme n’est pas suffisant pour mener à un rattrapage rapide, mais il montre un renversement de tendance par rapport à la décennie 1990 catastrophique. La hausse dans les années 2000 des cours des matières premières et du pétrole explique en partie cette évolution. Les places financières africaines sont à la hausse et de nouvelles puissances émergent comme l’Afrique du Sud, le Maroc, le Nigéria, l'Égypte… L'industrialisation hors activité pétrolière reste très peu développée et circonscrite à quelques pays, l'Afrique du Sud en tête. Cependant, l'Afrique constitue sans doute l'avenir de la confection avec la hausse du coût de la main d'oeuvre en Asie. En 2014, l'installation d'H&M en Ethiopie constitue un premier signal de mise en place de pays ateliers en Afrique. De grands chantiers sont ainsi en cours afin de profiter de cette croissance économique pour moderniser les pays et mieux les insérer dans la mondialisation par la réalisation d'infrastructures : nouveau port de Djibouti, ligne TGV Tanger-Marrakech, corridors de circulation autoroutiers dans le Golfe de Guinée...
Les grands projets d'infrastructures en Afrique (vous en choisissez un ou deux comme exemple(s))

B. Un continent de plus en plus inséré dans les flux mondialisés


Un continent qui attire les flux d'IDE : l'Afrique est traditionnellement un espace soumis aux puissances étrangères : anciennes puissances coloniales, superpuissances pendant la Guerre froide. La fin de la GF lui avait fait perdre une partie de son intérêt stratégique aux yeux des puissances étrangères. Avec la hausse du prix des matières premières dans les années 2000, les grandes puissances mondiales ont retrouvé un certain intérêt pour le continent africain. À ces dernières s'ajoutent depuis une dizaine d'années les puissances émergentes : l’Afrique attire de plus en plus les investisseurs, qui misent sur l'exploitation de ses immenses ressources (12 % du pétrole mondial, 60 % des réserves de terres cultivables, 2ème massif forestier au monde, 80 % des réserves de coltan, immense potentiel d'énergies renouvelables) ainsi que sur la jeunesse de sa population, qui en fait un marché potentiellement très important. Les investisseurs sont principalement des FTN issues des anciennes puissances coloniales, comme Total ou Areva pour la France. Les investisseurs américains, indiens, brésiliens ou des pays du golfe Persique s'intéressent également de plus en plus à l'Afrique, notamment pour y acquérir des terres agricoles  ou investir dans l'exploitation des matières premières.
Les principaux partenaires commerciaux de l'Afrique

L'ouverture de l'Afrique est aussi accélérée par l'importance des diasporas africaines dans le monde, notamment en Europe. Aux migrants économiques peu qualifiés s'ajoute le « brain drain » des jeunes diplômés. Les transferts financiers de ces diasporas sont parfois la première source de capitaux dans certains pays comme le Sénégal ou le Mali.
Le désenclavement numérique et les flux d'informations: l'Afrique vit une révolution des télécommunications, avec 620 millions de téléphones portables sur le continent africain en 2012. Dans ces régions qui ont longtemps souffert d'un manque d'infrastructures de téléphonie fixe, les réseaux cellulaires sont moins coûteux et beaucoup plus rapides à déployer. Les zones rurales africaines sont désormais reliées au reste du monde. L'accès à internet, sous des formes multiples, se développe lui aussi. Les câbles sous-marins haut débit améliorent l'accès des villes côtières à internet. Les pays riverains de la Méditerranée et l'Afrique Sud concentrent cependant la moitié des internautes du continent : la fracture numérique reste importante.

Ces atouts concernent cependant particulièrement les pays d'Afrique septentrionale et australe. L'Afrique du Nord est ouverte vers la Méditerranée et donc vers l'Europe et le Moyen-Orient. Elle dispose ainsi d'un potentiel important d'intégration aux flux, qu'elle exploite en échangeant des hydrocarbures, des produits agricoles ou en s'ouvrant au tourisme. C'est aussi un espace de délocalisation industrielle pour les pays du Nord. L'Afrique du Sud, de son côté, puissance émergente (BRICS) est la principale économie du continent et s'appuie sur plusieurs secteurs performants (secteur minier : 3e producteur mondial de charbon, industrie, secteur tertiaire : CBD de Johannesburg). La situation des pays du centre de l’Afrique est plus difficile. Les pays de la zone sahélienne et subsaharienne en particulier, comme le Mali, le Niger ou le Zimbabwe souffrent de leur situation enclavée, qui les exclut du dynamisme caractérisant les zones littorales dans l'espace mondial.

C. Des évolutions politiques et sociales positives

Un continent en voie de pacification : les années 1990, que l'on a pu appeler la décennie du chaos, font désormais partie de l’histoire de l’Afrique. En effet, alors que dans les années 1990, sur les 53 États que compte le continent, 35 connaissaient une situation de conflit, la réintégration de l’Afrique dans l’agenda stratégique des grandes puissances se traduit sur le terrain par la fin de nombreuses guerres civiles : l’Angola s’est pacifié en devenant le 2ème pays africain fournisseur de pétrole aux États-Unis (derrière le Nigeria), le Burundi, la Sierra Leone, le Liberia, le Soudan et le Congo-Brazzaville s’engagent dans des processus de réconciliation. Les révolutions arabes de 2011 portent la marque d'une volonté de démocratisation du continent même si celle-ci n'a été positive qu'en Tunisie. Cependant, le tableau ne doit pas être idéalisé car toute l’Afrique n’est pas pacifiée (Mali, Somalie, RDC…) et les récentes révolutions arabes ont installé un ordre politique encore précaire et âprement discuté notamment en Libye.

Des évolutions sociales significatives : dans la plupart des pays, des classesmoyennes se constituent avides de biens de consommation. La forte urbanisation a créé une classe de citadins dont les modes de vie et les aspirations sont calqués sur le reste du monde. Les révolutions arabes sont justement portées par des classes moyennes, instruites : l’éveil de la revendication politique et démocratique est un des signes de la volonté des Africains de prendre leur destin en main.Ces évolutions concernent cependant particulièrement les pays d'Afrique septentrionale et australe où émergent des métropoles (Le Caire, Casablanca, Tunis, Nairobi, Addis Abeba, Le Cap et Johannesburg) de plus en plus influentes. Bien que conservant leur caractère de ville en développement (bidonvilles, manques de transports publics,…), les espaces et modes de vie urbains s’alignent sur les standards internationaux (CBD, centres commerciaux,…). 
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Nairobi, métropole émergente




En conclusion, sans minimiser les défis auxquels les sociétés africaines sont confrontées, il faut sortir de "l'afro-pessimisme" et surtout d'une vision univoque de cet immense continent. Les situations sont en effet contrastées entre les marges septentrionales et méridionales plus développées et le cœur de l'Afrique au Sahel et Afrique équatoriale encore en proie au mal-développement. La mondialisation apparaît ici comme une opportunité car les potentialités de l'Afrique sont immenses tant en termes de ressources que par sa population jeune et dynamique. Les grandes puissances l'ont bien compris et investissent désormais de plus en plus sur ce continent. Il ne faudrait cependant pas que les richesses tirées de ces nouveaux échanges échappent encore aux populations africaines. Dans tous les cas, on peut sans doute annoncer : "Quand l'Afrique s'éveillera... le monde tremblera". 







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