lundi 18 novembre 2019

L’Asie du Sud et de l’Est : les défis de la population et de la croissance

Premier foyer de peuplement mondial, l’Asie du Sud et de l’Est concentre plus de la moitié de l’humanité avec 4 milliards d’habitants. La partie extrême-orientale du continent eurasiatique est entendue comme tous les pays au sud de la Russie jusqu’à l’archipel indonésien au sud et de l’Afghanistan à l’ouest jusqu’au Japon à l’est. Cette partie du monde concentre à la fois les plus grandes densités mondiales, des pays en très forte croissance économique mais doit aussi faire face aux défis du développement en dehors des PID que sont le Japon et les dragons asiatiques. 

La croissance économique asiatique a-t-elle permis de surmonter le défi démographique ? Dans quelle mesure la croissance démographique a pu constituer un atout pour la croissance économique ? 





I.                  Les défis du premier foyer de population au monde

A.   Le plus grand foyer de peuplement du monde

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60% de la population mondiale, soit près de 4 milliards de personnes, vit en Asie du Sud et de l’Est. Foyers de peuplement dominants, appuyés sur des civilisations très anciennes, la Chine et l’Inde concentrent respectivement 1,4 et 1,3 milliards d’habitants. Viennent ensuite l’Indonésie avec 250 millions d’habitants, et le Pakistan et ses 180 millions d’habitants. L’Asie se caractérise par ses fortes densités de populations y compris en milieu rural comme en Inde où dans la vallée du Gange la densité moyenne est de 700 hab/km². On note cependant une inégale répartition de la population avec des pleins (les zones littorales ou les grandes vallées fluviales) et des vides (zones de montagnes).
La croissance démographique de la région est cependant en voie de net ralentissement : cela s’explique par la transition démographique avancée. Celle-ci est plus avancée en Asie de l’Est : pays industrialisés où elle est terminée (au Japon, la population décroit même) ou contrôle des naissances en Chine dès les années 1970 ont très tôt freiné la fécondité. En Asie du sud, la croissance démographique est moyenne, voire élevée au Pakistan, Cambodge, Philippines (plus de 1,5% par an).


B.   Les défis d’une population asiatique de plus en plus urbanisée

L’Asie du Sud et de l’Est est encore majoritairement rurale : moins de 50% de la population habite en ville. Si certains pays comme la Corée du Sud (83%) ou le Japon (67%) sont en réalité très urbanisés, d’autres le sont peu (Inde : 30%).
Mais cette population urbaine, qui représente quand même plus de 1,5 milliards de personnes, est en rapide augmentation du fait du fort exode rural (cf. Mumbai : 1500 nouveaux arrivants par jour en moyenne).
 
La population asiatique nombreuse s’urbanise donc de plus en plus, générant à travers la région des mégapoles immenses. 15 des 30 plus grandes mégapoles mondiales sont asiatiques, et la première d’entre elles est Tokyo, avec 37 millions d’habitants.L’urbanisation rapide peut rendre ces villes géantes difficilement gérables, et entraîne d’importants défis sociaux (schéma d’illustration avec problèmes urbains à Mumbai) 60% de la population de l’agglomération vit dans des bidonvilles (à l'instar de Dharavi à Mumbai et son million d'habitants). 90% des mobilités dépendent de transports publics saturés. Moins de 20% des habitations ont accès à l’eau courante.



C.   Le défi des déséquilibres démographiques

Outre son urbanisation rapide, la population d’Asie du Sud et de l’Est connaît des évolutions nouvelles du fait de tendances démographiques particulières. (doc.7-8 p.316)

L’Asie présente le seul cas avec l’Océanie d’un fort déséquilibre garçons/filles. La préférence culturelle pour un enfant masculin entraîne un déficit du nombre de femmes : 108 hommes pour 100 femmes en Chine, 107 en Inde. Il manquerait environ 100 millions de femmes en Asie entre celles jamais nées (avortements sélectifs), les filles mortes trop tôt du fait de négligences (sous-nutrition, abandon,...).

Au Japon, on se retrouve face à un autre problème : celui du vieillissement de la population et d’une absence de renouvellement démographique du fait de la faible natalité (1.4 enfants par femme) et de l’allongement de l’espérance de vie (83 ans). La population japonaise décroit et cette baisse n’est pas compensée par un recours à l’immigration en raison d’une conception de la nation fondée sur le droit du sang. Ce vieillissement pose des défis du point de vue de la gestion d’une population inactive de plus en plus importante (financement des retraites, des systèmes de santé). Outre le Japon, la Corée du Sud ou encore la Chine sont très touchées par le vieillissement (doc.1 p.323). En 1979, le régime chinois, effrayé par sa forte pression démographique, met en place la politique de l’enfant unique : les couples chinois ne doivent avoir qu’un seul enfant. Cette maîtrise stricte de la natalité entraîne trente ans plus tard un déficit des naissances qui se traduit par la baisse de la population active : quarante millions de travailleurs prévus en moins d’ici 2030.


Qu’ils soient liés à la prise en charge des besoins de la population ou qu’ils appellent à des mutations profondes des sociétés, les défis démographiques en Asie du Sud et de l’Est ont un impact sur la croissance économique de la région.

II.               L’Asie du Sud et de l’Est : un moteur de l’économie mondiale

A.   Une croissance économique très forte

D’après la Banque mondiale, en 2015, taux de croissance annuel moyen :
Zone euro : 1,5% ; Amérique du Nord : 2,5% ; Asie du Sud : 7% ; Asie de l’Est : 6.4%. Cette forte croissance s’affirme notamment dans les années 2000 où le PIB de la région explose.
Aujourd’hui, l’Asie du Sud et de l’Est est un moteur de la mondialisation économique : 30% du PIB mondial et 25% du commerce mondial. Cette part grandissante dans l’économie mondiale s’explique par
- la diversité et la complémentarité des activités économiques de la région : importante production manufacturière en Chine et dans les Tigres + Vietnam, Cambodge (= pays atelier), haute technologie (Japon, Corée du Sud, Taïwan), services (Inde), produits agricoles (Thaïlande).
-  les investissements nombreux (IDE), américains, européens, mais également internes à la zone (Japon, Chine)
- Et surtout un capital humain énorme : réserve de main d’œuvre et foyer émergent de consommation.

  
  1. Une croissance différenciée d’un pays à l’autre

Diffusion du modèle de croissance s’est par décollage économique successifs  (doc.13 p.318):schéma diffusion du modèle japonais voir Cours Chine/Japon)
-   Dès les années 1950, le Japon connaît un fort développement économique en suivant un modèle de développement fondé sur une industrialisation en montée en  gamme (de plus en plus perfectionnée : textile > industrie lourde > industrie mécanique > hautes-technologies avec délocalisations une fois que le pays n’est plus compétitif dans un secteur) grâce à d’importants investissements publics et privés en matière de recherche et d’éducation.


- Rejoint à partir des années 1960 par les Dragons : Corée du Sud, Hong-Kong, Singapour et Taïwan
- Puis dans les années 1970/80 par les Tigres : Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande- 
- A partir des années 1980, la Chine et l’Inde libéralisent leur économie et intègrent progressivement dans la mondialisation une partie de leur territoire (Chine littorale, métropoles indiennes du nord-ouest)
-    Dans les années 2000, le Vietnam, le Cambodge connaissent un essor économique.


Période d’essor
Pays
Caractéristiques actuelles
Années 1950-60
Japon

Des Nords industrialisés : IDH et PIB/hab élevés, mais croissance économique ralentie
Années 1970 -1980
Dragons : Corée du Sud, Hong Kong, Singapour, Taïwan
Années 1980/1990
Tigres : Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande
Des Suds émergents :
IDH et PIB/hab faibles, mais forte croissance économique
Années 1980
Début de la libéralisation en Chine et en Inde
Années 1990/2000
Vietnam, Cambodge, Sri Lanka, Laos, Bangladesh


Diffusion de la croissance par des investissements et des délocalisations d’un pays asiatique plus développés à un autre.
L’ancienneté du décollage économique de chaque pays ne détermine cependant pas la hiérarchie des puissances économiques de la région. Aujourd’hui, la Chine devance le Japon en termes de PIB (8 300 milliards de dollars contre 6000) de même que l’Inde face à la Corée du Sud (1800 contre 1100), alors que les croissances chinoises et indiennes sont plus récentes. Ces deux pays doivent leur niveau de richesse actuel à leur gigantesque potentiel démographique.


C.   La forte population en Asie du Sud et de l’Est, atout et frein de la croissance


En fait complexité de liens entre croissance démographique et croissance économique, mais il apparaît nettement en Asie que les ressources humaines en abondance sont à l’origine de la croissance: une population nombreuse, peu onéreuse, peu revendicative et caractérisée par une forte adaptabilité ; une population qui épargne. Ajoutons une population de plus en plus qualifiée (3 millions de diplômés en sciences appliquées, sciences de la communication et ingénierie en Inde chaque année)

Mais le poids démographique pose aussi un certain nombre de problèmes en termes de santé, d’éducation, de logement, et parfois même encore d’accès à l’alimentation. De façon générale, la croissance que connaît l’Asie du Sud et de l’Est se base sur un modèle de consommation et de production intensives qui limite le développement à l’accumulation de richesses. La croissance asiatique semble donc au service d’un développement inégal, générant des tensions de plus en plus fortes pour une population très nombreuse.

III.           Une croissance à l’origine d’un développement inégal


A.   Une inégale répartition des bénéfices de la croissance économique

La croissance économique n’est pas synonyme de développement. Il y a donc une inégalité de développement très forte entre les pays de la région : le Japon, Singapour, la Corée du Sud font partie des pays les plus développés au monde alors que le Népal, le Laos ou le Myanmar font partie des PMA. Entre les deux, les cas indien et  chinois traduisent la situation des puissances émergentes : forte croissance économique et PIB très important mais IDH et RNB/habitants faibles. Les inégalités sont aussi très fortes  au sein des pays. Le cas de la Chine est emblématique avec un développement décroissant d’est en ouest (voir carte p.311). Les zones littorales ont un IDH élevé (proche des PID) alors que les provinces de l’intérieur ont un IDH moyen voire faible (Tibet). Ainsi, malgré une croissance économique record, l’Asie du Sud et de l’Est se caractérise encore par l’importance de la pauvreté et de la sous-alimentation : 2.2 milliards de pauvres, dont 1.6 pour la Chine et l’Inde, 70% de la population sous-alimentée dans le monde, même si des progrès sont visibles depuis les années 1970.

B.   Une croissance qui génère des tensions importantes sur les ressources et augmente la vulnérabilité des territoires

Croissance économique et croissance démographique se conjuguent pour accroître considérablement les tensions sur les ressources (eau, terres, minerais, hydrocarbures…) en Asie du Sud et de l’Est. L’Asie apparaît à la fois comme un investisseur et une cible de l’achat international de terres (land grabbing) destinées à la production agricole. La crise alimentaire de 2008 a été le catalyseur d’un phénomène ancien, mais qui a pris aujourd'hui une ampleur inédite. Les principaux pays acquéreurs en Asie (et dans le monde) sont la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Les principaux pays cibles en Asie sont le Cambodge, l’Indonésie et les Philippines, mais la Chine accroît surtout ses achats en Afrique. Au total quelques 2,1 millions d’ha  auraient ainsi été achetés par des investisseurs chinois dans le monde.


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Bangkok sous les eaux en 2011
L’Asie du Sud et de l’Est est aussi un espace de très forte vulnérabilité aux risques du fait de la pression démographique et de la pauvreté de certains Etats incapables d'assurer la protection de leur population. Les aléas climatiques peuvent conduire à de véritables catastrophes au bilan humain et économique très lourds : ce fut le cas par exemple avec le tsunami de 2004 dans l'océan indien qui fit 250 000 victimes, principalement en Indonésie. Le réchauffement climatique renforce également la force et la fréquence des aléas climatiques comme les typhons (cas des Philippines en 2014) ou les inondations (exemple à Bangkok en 2011). Le Bangladesh, où 70% du territoire est à moins de 5 mètres au dessus du niveau de la mer, est un pays particulièrement vulnérable face à l'élévation du niveau de la mer générant des flux de réfugiés climatiques. 
Cette vulnérabilité concerne également des pays plus développés. Le tsunami qui frappa le Japon en 2011 provoqua la mort de 18 000 personnes, des dégâts estimés à 210 milliards de dollars, et l’accident nucléaire le plus grave de son histoire à Fukushima.

C.   Vers un développement durable pour tous ?

Si les défis restent majeurs, la région connaît des dynamiques nouvelles qui peuvent aboutir à mettre la croissance au service des populations.

La contestation sociale s’amplifie dans certains pays, exigeant de meilleures conditions de vie et de travail. Depuis 2010 au Cambodge et au Bangladesh, des centaines de milliers d’ouvriers du textile ont organisé des grèves massives pour obtenir des augmentations de salaire. Ces mouvements sont régulièrement réprimés violemment par les gouvernements (3 morts à Phnom Penh en janvier 2014), mais alimentent les aspirations démocratiques de la population.

Les enjeux environnementaux sont de plus en plus pris en compte par les gouvernements et la sensibilité des opinions publiques aux questions environnementales, ancienne au Japon, plus récente en Chine s'amplifie. Devenue en 2006, le premier pays émetteur de gaz à effet de serre, la Chine a longtemps totalement ignoré les enjeux environnementaux. Pourtant, pendant l’été 2012, deux projets industriels polluants ont été arrêtés après des manifestations populaires, parfois violentes mais qui connaissent une couverture médiatique inédite. Si la Chine est le premier pays pollueur, c’est aussi devenu le premier producteur d’énergies renouvelables signe de son intérêt croissant pour les principes du développement durable. 


Conclusion : La croissance démographique pose des défis majeurs aux pays d'Asie du Sud et de l'Est. Malgré les problèmes subsistants comme ceux posés par une transition urbaine mal maîtrisée, la croissance économique a permis de faire reculer l'extrême pauvreté et notamment le problème de la sous-nutrition. Pour autant, le développement pose à son tour de nouveaux problèmes comme celui de la pression sur les ressources naturelles, la vulnérabilité face au changement climatique ou le vieillissement de la population comme au Japon ou en Chine. De par leurs poids démographiques et économiques, les choix politiques et économiques des pays asiatiques influent donc désormais sur l'ensemble de la planète et sur l'avenir des sociétés humaines dans leur ensemble. 

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